Me voilà dans de beaux draps, c'est immédiatement ce qui m'a traversé l'esprit en découvrant le film qu'il allait falloir décortiquer lors de cette manche, en effet, j'ai d'abord cru à un délire Coréen random et pour tout vous avouer, c'est bien la dernière chose dont j'avais envie après le cauchemar vécu avec A Field in England. Cependant, c'est en m'attardant sur la fiche de ce mystérieux Barking Dogs Never Bite que la donne a changé, pas grâce à son synopsis, ( surtout pas grâce à son synopsis d'ailleurs ), mais à la vu d'un nom, celui de Bong Joon-Ho. Et là ça change tout, mon coeur s'emballe, tous ceux d'ailleurs qui ont visionné une de ses oeuvres se montreront intarissables, impossible de rester de marbre lorsque ce réalisateur se glisse dans un projet. Il n'y a qu'à se remémorer l’effervescence autour de Snowpiercer pour le réaliser. Ainsi le guêpier qui semblait m'acculer laissa filtrer un léger rayon de soleil vers une issue de secours inattendue dans laquelle j'avais l'occasion non seulement de revivre sa filmographie mais aussi de découvrir les prémices d'un travail qui des années plus tard aboutira sur l'extraordinaire Memories of Murder.

Je ne vais pas vous le cacher plus longtemps, l'optimisme des premières heures s'est rapidement estompé, le désenchantement fut rude, pour vous donner une idée, c'est un peu comme regarder La légende du grand Judo après Barberousse, vous savez que c'est Kurosawa derrière, vous pouvez apercevoir des bribes très furtives d'un talent naissant mais l'ensemble en est presque embarrassant. C'est comme regarder 12 Angry men après À la recherche de Garbo et... non je déconne. J'ai essayé pourtant, j'avais vraiment envie de l'aimer mais en me plongeant de manière intensive dans la filmographie de Joon-Ho, la constat fut encore plus difficile à encaisser. La faute sans doute au fait que lors de mon premier visionnage ( c'est moche ce mot dis donc ) j'avais profondément sous estimé la perfection de Memories of Murder qui m'a cette fois ci sauté aux yeux. Un polar noir éblouissant de justesse qui contextualise une Corée dans les années 80 avec une profondeur et une cohérence assez hallucinante le tout saupoudré d'un humour noir particulièrement savoureux et toujours bien dosé. Un hypnotisant, récit touché par la grâce qui ne lâche pas son spectateur que ce soit durant les 2 heures du film ou les 72 heures suivantes. Surement influencé aussi par la sensibilité et la sincérité d'un Mother dans un mélange des genres d'une maitrise et d'une précision minutieuse qui force le respect. Alors quand arrive l'heure d'analyser son premier essai, le verdict est édifiant, à mon sens c'est raté. Ce qui fait la force du cinéma de Joon-Ho et qui lui donne ce cachet si particulier, c'est de pouvoir traiter des thèmes graves en évitant avec une aisance unique l’écueil du misérabilisme ambiant grâce à son humour noir, grinçant et dosé à la perfection. Ici sous couvert d'en faire une comédie, il se plante totalement, toujours le cul entre deux chaises ( si vous me permettez l'expression ), il met mal à l'aise quand c'est censé être drôle. Le meilleur exemple reste pour moi cette séquence d'ouverture de 8 minutes durant laquelle le héros tente maladroitement de tuer un chien trop bruyant sans y parvenir, je n'ai pas su comment l'appréhender et la suite du film continua allègrement sa route dans ce sens.

L'autre arme maitresse du réalisateur Sud-Coréen, ce sont ces personnages fascinants. Personne n'a pu oublier l'inspecteur Park Doo-man l'un des facteurs de la grandeur de Memories of Murder ou la mère dans... Mother ( merde ça se répète fortement ), même le surprenant Chris Evans dans Snowpiercer disposait d'un protagoniste fichtrement bien écrit bien à l'opposé du manichéisme ambiant qui inonde ce genre de héros. Dans Barking Dog, même si j'ai vite compris qu'on allait suivre un cheminement similaire en allant chercher une classe modeste dans une satire sociale confortable, les différents portraits dessinés eux sont cette fois bien bien fades. L'artiste que l'on connaitra n'est pas encore mur, donnant davantage la désagréable impression de visionner la toile d'un imitateur. Je n'ai ressenti aucune empathie, que ce soit pour ce professeur au chômage malmené par sa compagne à tendance castratrice et qui va se retrouver embarquer dans moult quiproquos, encore moins pour le duo concierge / SDF habitué à se retrouver devant un bon repas... de viande de chien pour élaborer des théories sur le légendaire Chauffage Kim. Quant à la jeune rêveuse qui aspire à une vie meilleure et sa collègue cynique, je les ai trouvé particulièrement caricaturales, tout ce petit monde malgré des difficultés financières évidente semble vivre en autarcie et ne donne ni l'envie ni l'occasion au spectateur de s'immerger là dedans. C'est d'autant plus frustrant lorsqu'on sait à quel point Bong Joon-Ho arrive à façonner et à bâtir dans un melting pot géant, le drame, la critique d'une société coréenne et même le fantastique en y apposant une pointe d'humour inattendue qui transforme totalement une scène. C'est grâce à son style que j'ai découvert avec un regard très réducteur à l’époque j'en conviens, que les Coréens n'étaient pas que des assoiffés de vengeance au Cinéma.

Nous sommes en 2000 et le cinéma de Joon-Ho n'en est qu'à ses balbutiements et ne laisse pas présager encore les coups de génies dont il fera preuve dans sa carrière. Bourré de maladresses, la musique Jazzy chère au réalisateur qui arrive de façon abrupte, le montage laborieux, les dialogues minimalistes, ce Barking Dogs rate quasiment tout ce qu'il entreprend malgré quelques fulgurances bien trop rares. En résulte, une comédie sociétale superficielle qui ne parvient jamais à trouver son rythme, plus cruelle qu'abrasive, plus malsaine que loufoque, la dénonciation d'une Corée du Sud corrompue et dysfonctionnelle est obstruée par son propos malhabile et j'en suis le premier navré. Sur ce, j'ai une enquête sur les bras qui m'attend et qui me hante et qui m'obsède depuis des mois au combien plus passionnante, bon sang de bois, qui est le meurtrier ?

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