Je ne suis pas fan de l’individu, mais il faut savoir passer outre ces a priori, surtout quand on a Adjani et Depardieu à la barre. Et j’ai bien fait de tenter l’expérience. Car c’est un étonnant film, et magistral dans un sens, avec une mise en scène grandiose, une ambiance fin de siècle, et arriver à donner cette sensation de décadence, avec des plans énormes, il faut être habité pour faire ça. L’histoire où se mélange fiction politique et fresque cinématographique, est relégué au second plan, devant la métaphore puissante, le double personnage de Depardieu, qui est un tour de force filmique en lui-même. Tous semblent désaxés, désenchantés, barrés, grâce encore à cette mise en scène puissante, baroque et grandiloquente, ça colle parfaitement au sujet, une société sans issue autre qu’un mur, une scène de théâtre utilisé comme un ring de boxe, des humains qui se déchirent, comme possédés par une force supérieure... Superbe exercice de style. Souvent ça tombe à côté, ce genre de tentatives, mais là ça fonctionne comme dans un thriller à la française (exagération poussée dans le grotesque, des situations, des personnages, un second degré permanent, une histoire d’amour surréelle et romanesque, très fort).
Les deux amants, qui veulent fuir toute cette merde, et qui n’y arrivent peu ou pas, de nombreux seconds rôles, des faire-valoir symbolisant le pouvoir, ou le manque de certitudes, des figures bizarres, qui accentuent cet aspect « barocco » du film. Pas de doute, ce film est intéressant et important. Il est curieusement méconnu, et sous-estimé. Comment mettre une scène de théâtre dans un métro, et le métro dans un travelling, nous donner une impression de : Sans issue, sans que ça fasse chiqué, sans se casser la gueule ? Regardez ce film, vous saurez comment on fait.