Assurément, comment peut-on encore avoir mot à dire concernant Barry Lyndon ? Les meilleures éloges comme les meilleurs reproches lui ont été déjà adressés. Cette critique n'aura pas pour but d'apporter des choses nouvelles ou inattendues concernant Barry Lyndon; elle sera simplement un avis passionné.
On a souvent dit de ce film qu'il était l'oeuvre d'un Kubrick en proie à l'ennui, errant suite à sa désillusion concernant son projet sur Napoléon qui aurait dû être l'oeuvre phare de l'univers kubrickien, refusé par les majors après l'échec du Waterloo de Sergueï Bondarchtouk. Alors oui, Kubrick erre; il ne peut passer à côté de l'oeuvre d'une vie. Germe alors chez lui l'idée de Barry Lyndon qui s'apparentera dès lors à une oeuvre de substitution, d'une qualité moindre dira-t-on chez les plus septiques.
Barry Lyndon en est l'exact opposé. Kubrick s'ennuie mais quoi de plus honnête, de plus beau et de plus passionnant qu'un cinéaste qui se met en scène, qui dévoile sa mélancolie.
Les premières secondes du film et c'est la Sarabande de Haendel qui fait corps. Puis ces images pittoresques d'un duel au pistolet en Irlande. Métaphore de la mort du projet Napoléon mais la naissance de Barry Lyndon. Dès lors, on est entraîné dans les rouages de cette aventure rocambolesque et candide, celle d'un jeune Redmond Barry voulant se hisser au rang de la noblesse européenne, à l'instar d'un Kubrick, avec son Napoléon sous le bras, refoulé par chacune des majors. Reconstitution à la bougie de la part Kubrick, d'un réalisme et d'un esthétisme sans précédent, difficile de ne pas rester bouche bée et en admiration devant ce chef d'oeuvre du Cinéma. Ryan O'Neal et sa tête de jeune premier nous emporte avec l'aide de ces travellings que Kubrick emprunte avec tant de justesse à Ophüls et Welles. Cette scène de rencontre entre Redmond Barry et Lady Lyndon dans la salle de jeu soutenue par ce trio pour violon, violoncelle et piano de Schubert puis cette fuite discrète sur la terrasse des deux protagonistes ne peut apporter que l'adhésion qu'à cet égard tandis que les pleurs de Redmond Barry au milieu d'une grande salle presque vide de Prusse, tentant de rester stoïque face au chevalier Balibari qui lui rappelle son pays ne savent qu'émouvoir.
Barry Lyndon est un chef d'oeuvre de Kubrick au côté des Shining, Eyes Wide Shut, Orange Mécanique et autres. C'est aussi l'un des plus grands films de l'histoire du septième art, incontournable et intemporelle qui se doit d'être vu par quiconque souhaitant voir du grand cinéma.