Ça avait commencé comme ça, sur rien, une de mes peccadilles quotidiennes, l'occasion immanquable d'exposer ma détestation quasi totale du dénommé Stanley Kubrick, génie du 7ème Art de son état. Et je dois bien avouer que c'est une petite joie que je m'accordais avec la régularité du Messie multipliant les petits pains au lait. Crois moi, avec les éclaireurs de qualité que j'ai, cinéphiles et tout, à tous les coups c'est un bonheur qui ne manque pas d'inonder mon visage tanné par le vent salé.
Donc, qu'il m'en excuse mais Je-sais-plus-Qui (un gars vachement sympa, tu peux me croire), un de mes éclaireurs, dans un élan de priapisme kubrickien, dit une gentillesse sur Stanley un jour où j'avais rien d'autre à foutre que de faire chier.
Généralement, tout le monde s'en fiche, VanCleef qui étale son mauvais goût on a l'habitude, c'est pas comme si ça devait passer en boucle sur BFM-TV.
Le gus défèque encore sur 2001, ses singes qui ne parlent pas, sur l’œuvre visionnaire qui n'a pas vu la chute de l'URSS, Orange Mécanique et son mobilier dégueulasse...
Enfin tu vois le genre d'arguments de bas étage dont je suis coutumier. C'était toujours un grand plaisir, vu la quantité de membres de la secte. (La grande majorité pensant en plus qu'il est leur père. Ou pire, Dieu…)
Or si, comme on me l'a dit une fois ou deux, Stankey Kubrick est Dieu le père, il doit avoir de l'humour, car, comme tu le sais mieux que moi, Dieu est Humour.
Aveuglé que j'étais, j'ai pas vu venir l'uppercut. J'ai bien un jeu de jambes au-dessus de la moyenne (surtout quand tu vois celui de Ze Big Nowhere qui a une jambe plus courte que l'autre), une fausse-garde qui m'a sauvé plus d'une fois mais là, Bim dans ma djeule.
J'ai rien vu venir. L'arbitre égrène le décompte, j'entends pas mais je vois ses doigts. Séché, mais, même à genoux dans les cordes, je veux qu'on me respecte.
Heureusement, quand certains prennent de haut, assénant l'évidence qui saute pas aux yeux, dévoilant le sous-texte tout en parlant une langue que même un chinois comprendrait pas, se dressent à l'horizon des oasis de tolérance.
Mon Salut et ma malédiction, combinés dans un curieux ménage qui allait convoquer l'ingrat cortège mortuaire accompagnant l'ancien Moi vers sa dernière demeure, puisque tel le sur-Homme cher à l'ermite barbu, il fallait que je meure pour mieux renaître, vinrent ce jour-là du nécessaire Cultural Mind.
Je ne sais plus exactement ce qu'il a dit, mais ça m'a fait chaud au cœur.
Un truc comme : "Oui les copains, il n'est pas comme nous. Mais je ne lui jette pas la première bière ! Différent, certes, mais faut-il pour autant le rejeter à la mer comme un migrant? Alors qu'il nage comme une vache?"
Du coup, je me suis dis que j'allais regarder Barry Lyndon.
Et là, le choc. Le raz-de-marée.
Au début, tu crois que t'as un truc dans l’œil, t'es gêné ; ou alors, c'est dans l'air, un gaz, tu te sens bizarre et tu te dis qu'avec la chance que tu as en ce moment, tu ne vas pas tarder à te transformer en zombie.
T'as du être frôlé par quelqu'un de pas sain, un con t'a miné, et tu vas forcément y passer. Ça fait un choc. T'es dans la force de l'âge, t'as pas tout dit, tout fait, et maintenant que le temps te manque, l'impitoyable couperet tombe quand, une coïncidence sans doute, tu te vois bien dans un machin caritatif, à aider ton prochain, ou mieux, à distribuer des bisous, comme ça, gratos. Pour rendre heureux ceux que ça pourrait rendre heureux.Tu te sens pousser un cœur…
Et c'est là que tu te dis que non, tu ne te transformes pas en mort-vivant. Et du coup, ça t'arrange car tu n'aimes pas trop la cervelle. Par contre, t'as pas envie de croiser un miroir car t'es en train de prendre la tronche d'un Bisounours et tu sais pas si c'est pas pire. (T'espères juste que t'es pas le rose à la con, sinon, on va méchamment se foutre de ta gueule quand tu vas aller chercher ta môme à l'école...)
T'as grave changé, tu ne te ressembles plus. Et même si tu trembles un peu en pensant à toutes les souffrances qui t'attendent, tu cherches à comprendre comment tu as pu en arriver là.
Il faut se rendre à l'évidence, en même temps qu'une de mes raisons de vivre s'est envolée, le bleu du ciel a changé.
J'ai rarement vu trois heures passer aussi vite. Bon, je ne compte pas les heures où je pionce (#TaGueule)…
L'escalade à mains nues de l'échelle sociale, du palpitant malmené, de l'exil forcé, l'effarante transformation, Redmond en Lyndon, une ordure de la pire espèce que subliment une beauté et une composition des images que j'avais jamais vues ailleurs que… Que j'avais jamais vues ailleurs, point. (#BimDansTaFace)
Caressé, ballotté, con cassé par ce fleuve tumultueux, sans doute, vibrant de vie, limpide, violent et cette narration qui t'entraîne comme si t'étais sur une coquille de noix minuscule, alors que l'eau qui t'entoure épouse l'horizon et que rien d'autre ne t'importe que le destin foudroyant de cet homme opportuniste, impulsif et soumis, minable et beau.
Si humain sous le vernis qui craquelle.
Tout ce que je reprochais à Kubrick en somme, et qui là, m'a happé, comme s'il m'attendait, et m'a fait ricocher comme un caillou, tout plat.
Le bleu du ciel a changé, te dis-je