Une fois de plus, l'on s'aperçoit que les films de Kubrick vieillissent superbement, et qu'on était passé à côté de ce très beau film, complexe et ambigu, qu'il faut savoir déchiffrer pour en apprécier toutes les subtilités. Si la fiction de "Barry Lyndon", qui se déploie en une vaste fresque historique, peut passer pour porter une moralité - l'ascension et la chute d'un arriviste - comme support d'une méditation pessimiste, distante et hautaine, sur les grandes valeurs du monde (soit de quoi faire crédit à Kubrick d'être un grand auteur crépusculaire, et son film un testament, un recueil de pensées sur le monde...), on réalise aussi que le film tout entier se déroule sous le signe du trucage, de l'étrange, du semblant, pour s'achever sur la non-reconnaissance, la mutilation, la folie, et que son écriture, l'angle d'attaque et la ligne de fuite de chaque séquence, la tournure du récit font surgir des situations un supplément de frayeur tout-à-fait exceptionnel. [Critique écrite en 1999]