Barry Lyndon peut se décomposer en une longue suite de tableaux, des tableaux édifiants, splendide visuellement et dégageant bien des sentiments et des réflexions.
Une voix-off permet souvent de faire une transition entre ces tableaux, ou parfois d'en conter le contenu.
Ces tableaux sont des merveilles picturales, on a l'impression d'être devant de grandes peintures historiques prenants vie. Ce qui se dégage de ces tableaux, c'est une vision complète de l'humain, avec une tendance néfaste et destructrice. Le portrait de Redmond Barry permet à Stanley Kubrick d'étudier plusieurs facettes de la nature humaine, qu'il complètera avec ceux l'entourant ou les aventures qu'il va parcourir.
Si Barry Lyndon est long, il n'est pas lent, et il serait bien difficile de prendre moins de temps pour raconter une vie si complète et qui l'emmènera toujours au même endroit, et c'est peut-être bien là que Kubrick veut en venir. Ce personnage traverse à la fois la pauvreté et la richesse, les beaux endroits et ceux qui sont laids, ainsi que la guerre comme la paix. D'ailleurs, comme c'est régulièrement le cas dans la filmographie du cinéaste américain, la Guerre est érigée en symbole de la bêtise et avidité humaine. La séquence où les soldats britanniques avancent malgré les tirs de fusils est saisissante, les raisons complexes de la Guerre de 7 ans aussi, et que dire des motivations des personnages et la façon de monter ou descendre en grade. Kubrick ne se gêne pas pour dire et montrer ce symbole de la défaillance de la nature humaine.
Ces tableaux présentent souvent une certaine dualité, une beauté picturale face à la médiocrité humaine. Redmond Barry n'en a jamais assez, les pas qu'il gravit dans une société d'apparence et hypocrite ne sont jamais suffisants, il lui en faut toujours plus, quitte à sacrifier ceux l'entourant, qui n'ont que très rarement sa considération. Kubrick prend tout de même le temps de montrer l'évolution de ce personnage, de jeune homme prêt à parcourir le monde et à prendre tous les risques par amour, à vulgaire, vil et égoïste, détruisant les vies l'entourant.
C'est d'ailleurs saisissant cette démarche qu'à le cinéaste américain de passer d'un tableau à un autre, et d'une complexité humaine à une autre. Chacun a sa spécificité, sa beauté naturelle ou son évolution dans la vie d'un jeune homme d'abord attachant. Divisé en deux parties, la première tend plutôt à le rendre attachant, bien que la fin prédise déjà ce qui lui arrivera.
Tout a été dit sur le génie technique de Kubrick sur Barry Lyndon, et rarement, il m'a été donné de voir une œuvre aussi belle visuellement, chaque plan semble pensé au millimètre près, idem pour l'éclairage ou les décors, qu'ils soient naturels ou non. De la même manière, le cinéaste est d'une grande finesse dans l'écriture, enfin l'adaptation, et la mise en scène, forcément, ce qui ne rend que plus puissant les excès violents ressortant parfois à l'écran.
Fresque aussi magnifique que saisissante, Barry Lyndon se compose d'une succession de tableaux revenant sur la nature humaine et sa capacité à détruire tout ce qu'elle fait de plus beau naturellement, Stanley Kubrick semble ici à son apogée et son œuvre est immense et unique.