A l'heure de me remettre de la cuisante déception de Mother !, voilà que Tom Cruise m'ouvre ses bras et me fourgue par la même occasion un ticket pour son nouveau show, Barry Seal : American Traffic. Comme une sorte d'excuse quand il me susurre, l'air charmeur : "Tu verras, c'est mieux que Jack Reacher : Never Go Back et La Momie, promis".
A la sortie de la salle, on ne peut que convenir que Tom a tenu sa promesse. Même si c'était pas bien difficile, au vu de la qualité relative de ses derniers efforts. Parce qu'il s'est tout d'abord entiché de Doug Liman qui, depuis Edge of Tomorrow et The Wall, s'affirme comme un réalisateur qui compte, lui qui était déjà à la base du dépoussiérage du film d'espionnage en mettant en scène les premières aventures de Jason Bourne.
Ce n'est pas avec American Traffic que la face du cinéma sera transformée, loin s'en faut. En effet, le coup de l'ascension puis de la chute, on en a déjà vu des dizaines, comme Blow, American Gangster, Lord of War ou encore Le Loup de Wall Street. Mais c'est peut être le traitement qui diffèrera et donnera à Barry Seal tout son sel. Son aspect reportage pris sur le vif, tout d'abord, qui permettra d'installer un soupçon de tension dans les aventures de cet anonyme, au départ, pris dans les filets de la CIA.
Mais ce sera surtout la manière totalement désinvolte, voire goguenarde, de conter les aventures de son anti héros qui séduit le plus. Même si cela relève certainement d'une manoeuvre afin de gommer les aspects les plus anguleux de la réalité. Entre anecdotes totalement what the fuck et sourire quasi constant, notre Tom traverse le film comme Doug Liman le met en scène. On sait très bien que Barry Seal n'a, finalement, aucune morale, mais il est quand même d'une sympathie assez redoutable, très loin de la volonté manifeste de Tom d'égratigner son image proprette.
Surtout qu'il y a pire comme méchants, dans ce American Traffic. Car il y a, comme toujours, cette Amérique très peu flatteuse qui instrumentalise ses citoyens, qui se mêle de réguler l'ordre mondial et de lutter contre l'ours communiste en déployant des trésors d'originalité sans pour autant se mouiller clairement. Ainsi, les interventions télévisées épisodiques de Ronald Reagan s'avèrent en constant décalage avec ce qui nous est montré, tandis que cette charge contre l'initiative, qui anime les US dans leur volonté de constamment faire de l'argent en toute situation demeure prégnante et assez hallucinante pour un oeil européen bien plus conservateur.
Et l'on trouve encore le moyen de s'étonner, alors que sa petite entreprise ne connaît pas la crise que Barry Seal croule littéralement sous des montagnes de pognon, tant qu'il en remplit des valises entières, les enterre au fond de son jardin et ne sait plus où les cacher. Du classique, en somme. Mais en forme d'histoire bigger than life, tant son protagoniste aura finalement mangé à tous les râteliers et retourné sa veste. Cette histoire est racontée sur un mode assez enthousiaste sur une mise en scène la plupart du temps assez dynamique, mais au rythme un peu heurté : si le début s'avère pour le moins précipité, on sent dans le troisième acte que Doug Liman n'a plus grand chose à se mettre sous la dent.
Cela n'est cependant qu'assez peu dommageable au film, tant il est donné l'occasion d'adhérer à un point de vue assez goguenard porté sur l'histoire qui nous est racontée. Même si les pires salauds, comme Escobar et ses sbires, les contras ou encore les sandinistes, peuvent apparaître un peu sympathiques ou pieds nickelés. Pas sûr que la réalité vraie ait été du même acabit...
C'est cette grande histoire, dans Barry Seal : American Traffic, qui est presque toujours dépassée par la petite, celle d'un américain moyen qui tire parti des circonstances et surtout en tire un constant profit avant de se trouver instrumentalisé. Piégé dans la valse des puissants dans un de ces recoins sombres de ces moments historiques faisant la "grandeur" états-unienne.
Des recoins sombres qu'Hollywood ne cessera pas d'explorer tant qu'ils seront fertiles en scénarios rocambolesques dont l'industrie adore s'emparer avec délice.
Behind_the_Mask, qui aimerait aussi se lancer dans la blanche pour palper du billet vert.