"Barry Seal" est un film drôlement jouissif : il s'apparente à une franche partie de rigolade, conduite à train d'enfer, au sein d'une réalité (caution de l'annonce traditionnelle : "Inspiré de faits réels") franchement ubuesque. Tom Cruise y est de nouveau un acteur sympathique, après des années de déplorable rigidification de ses personnages. Les couleurs pètent, les eighties sont réinventées de manière joyeuse, les personnages sont tous pittoresques, et éminemment aimables. L'incompétence générale (des politiques, des polices, des "bandits" eux-mêmes) prête à rire encore et encore. Le récit d'une ascension et d'une chute traditionnelles, toutes deux vertigineuses, s'apparente presque à un conte de fées, pour adultes quand même. "Barry Seal" est un film dont on sort presque totalement satisfait.
"Barry Seal" est un film terriblement frustrant : il passe complètement à côté d'une réalité qui fut éminemment tragique, voire désastreuse pour les nations d'Amérique Centrale, pour la Colombie, et pour les Etats Unis eux-mêmes. Ceux qui comme moi se souviennent de l'ignoble présidence de Ronald Reagan, du scandale de l'Iran Gate autour d'Oliver North, ressentent un indicible malaise devant un film qui fait comme si tout cela n'avait eu aucune importance. Ceux, plus jeunes, qui regardent "Narcos" percevront bien la différence de perspective avec "Barry Seal", l'horreur du narco-trafic pouvant difficilement être réduite comme ici à une aimable pantalonnade de "Vidéo-Gags". "America is the greatest country" dit-on, sans ironie aucune (même si je concède à Liman un certain second degré, bien entendu), juste avant de mourir : c'est qu'on a réussi à devenir riche, sans états d'âme, puisque l'occasion fait le larron et que les gagnants sont toujours célébrés. "Barry Seal" est un film dont on sort vaguement écœuré, voire un peu en colère.
[Critique écrite en 2017]