Retour critique pour Tom Cruise, dans un biopic à la Scorsese

Mais qu’arrive-t-il à Tom Cruise ? Lui qui enchaînait les blockbusters de bonne qualité depuis ces dernières années, le voilà qu'il se retrouve avec un Jack Reacher 2 très oubliable et une Momie poisseuse. Deux longs-métrages n’ayant pas été épargnés par la critique (aussi bien amatrice que professionnelle) et leur score respectif au box-office (selon leur budget). Est-ce parce que le public commence à se lasser de voir ce cher Tom continuer sur sa lancée, à jouer les sauveurs du monde en permanence (n’oublions pas Oblivion et Edge of Tomorrow) ? Il est un peu difficile de répondre à cette question, étant donné que le public répond toujours à l’appel du moindre Mission : Impossible (d’ailleurs, le sixième actuellement en préparation est, à son tour, très attendu) et autres divertissements à grand spectacle. Mais on pourrait rejeter la faute sur Cruise lui-même, qui semble vouloir mettre en place beaucoup trop de franchises à son actif pour pouvoir les contrôler convenablement (comme ce qui s’est passé sur le tournage de La Momie, même s’il n’est pas crédité au poste de producteur comme à son habitude). Quoiqu’il en soit, il est d’autant plus étonnant de voir la star de l’action revenir un projet beaucoup plus indépendant. Un biopic s’élevant à « seulement » 80 millions de dollars de budget et sur lequel il n’y a pas eu une grande promotion pour le mettre en avant. Une sorte de parenthèse bienvenue pour la carrière du comédien ?


Oh que oui ! Surtout que l’on n’attendait plus de voir Tom Cruise dans ce genre de production ! Serait-ce dû à la présence du réalisateur Doug Liman (qui l’avait déjà dirigé dans Edge of Tomorrow et qui prépare avec lui la suite) ? Il n’empêche que le voir dans ce qu’il s’avère être un film à contre-emploi (comme l’étaient dans un tout autre genre Tonnerre sous les tropiques et Rock Forever), cela apporte du rafraîchissement à sa filmographie. Surtout si le film en question, Barry Seal, ne se présente pas à nous comme le banal biopic qu’il aurait pu être. Mais plutôt comme une sorte de délire que ce serait permis Doug Liman, qui semble vouloir s’éloigner du système hollywoodien et de ses contraintes (comme peut en témoigner le récent The Wall) pour faire ce qu’il veut quand bon lui semble. Et pour cause, alors qu’il aurait très bien pu se contenter du parcours atypique de ce pilote de ligne appelé à bosser pour la CIA et Escobar, le cinéaste a voulu suivre les pas d’un certain Martin Scorsese : narration contée par le protagoniste éponyme en voix-off, minutie du montage, humour usant à fond la carte de l’absurde et de l’ironie, personnages hauts en couleur, ensemble transpirant une énergie folle, bande son à la fois décalée et punchy… Bref, avec Barry Seal, Liman nous livre son Casino. Son Loup de Wall Street. Ses Affranchis.


Après, il faut reconnaître qu’il serait facile de comparer ce long-métrage aux œuvres de Scoresese, tant il ne leur parvient aucunement à la cheville. Car en plus de ne rien renouveler en la matière, Barry Seal n’a pas ce qui fait le charme des titres du maître. Que ce soit la verve de l’écriture, ici aux abonnés absents, ou encore un scénario ne prenant finalement aucun risque. Mais le plus flagrant reste le manque de prestige du casting, dont chaque membre doit subir la présence écrasante de Tom Cruise, qui fait très bien son boulot comme à chaque fois. Il n’est pas rare de le voir piquer la vedette et ce même sur les affiches. Mais malgré cela, il pouvait toujours compter sur des partenaires qui savaient s’imposer (Simon Pegg et Jeremy Renner dans les derniers Mission : Impossible, Emily Blunt dans Edge of Tomorrow…). Ici, aucun ne parvient à se mettre convenablement en avant. Pas même le pourtant excellent Domnhall Gleeson, c’est pour dire ! Tous ne sont que de simples seconds couteaux. Des « accessoires » de jeu qui n’exploitent pas à fond le potentiel de leur personnage respectif, comme le faisaient Joe Pesci face à De Niro et Jonah Hill devant DiCaprio chez Scorsese. Non, décidément, Barry Seal manque cruellement de personnages marquants, et de comédiens impressionnants pour les faire vivre. Le gros point noir de ce film !


Et malgré cela, nous ne pouvons qu’aimer Barry Seal. Ne pouvons qu’adhérer à cette « petite » production qui permet à Doug Liman de se lâcher comme il faut et de nous livrer un divertissement fort honorable. Un amusant biopic qui sent bon la nostalgie par sa bande son, son rendu visuel (filtres de couleurs et grain de pellicule rappelant les années 70, sans oublier images d’archive et logos de studio d’époque). Un petit délire qui n’a pas peur d’utiliser du dessin pour illustrer ses propos, ou encore de faire commenter le personnage de Barry Seal ses propres actions à l’écran, comme si nous étions directement les interlocuteurs de ses propos (on peut parler d’une cassure du quatrième mur). Sans oublier l’aspect docu-fiction de l’ensemble, avec cette caméra collant au plus près des acteurs (à l’instar de The Wall). Et, surtout, l’implication de Tom Cruise dans la majorité de ses scènes. Notamment celles en avion, l’acteur ayant véritablement piloté ces engins et accompli la plupart des trajets de son personnage (avec tout de même quelques escales en cours de route). Bref, tout ce qu’il faut à Barry Seal pour se présenter à nous tel un long-métrage qui se lâche pour notre plus grand plaisir, ne se perdant que trop rarement dans un sérieux barbant ; sans toutefois perdre de vue la maîtrise dont il fait preuve dans ce qu’il veut raconter et montrer.


Résultat des courses ? Un véritable retour critique pour Tom Cruise ainsi que la consécration d’un réalisateur qui réussit enfin à se démarquer des rouages hollywoodiens (lui qui s’était entiché de Mr. & Mrs. Smith et de Jumper, malgré un très bon La Mémoire dans la Peau). Cependant, même si la filmographie du comédien s’est vu offrir l’opportunité de se diversifier un peu, le score au box-office mondial du titre (à peine 129 millions de dollars, dont 48 millions aux États-Unis) va convaincre les gros studios à faire confiance à Cruise pour qu'il continue dans le domaine de l’action à grand spectacle. Mission : Impossible 6 et Edge of Tomorrow 2, donc… Rebelote !

Critique lue 341 fois

D'autres avis sur Barry Seal : American Traffic

Barry Seal : American Traffic
Behind_the_Mask
7

Une folle histoire de l'Amérique. Encore...

A l'heure de me remettre de la cuisante déception de Mother !, voilà que Tom Cruise m'ouvre ses bras et me fourgue par la même occasion un ticket pour son nouveau show, Barry Seal : American Traffic...

le 13 sept. 2017

43 j'aime

7

Barry Seal : American Traffic
EricDebarnot
6

Oui / Non

"Barry Seal" est un film drôlement jouissif : il s'apparente à une franche partie de rigolade, conduite à train d'enfer, au sein d'une réalité (caution de l'annonce traditionnelle : "Inspiré de faits...

le 28 sept. 2017

34 j'aime

10

Barry Seal : American Traffic
doc_ki
9

De la poudre de perlimpinpin américaine

Quand vous avez maté des films Donnie brasco, Blow, Infiltrator, strictly criminal, Undercover, Snowden, etc.. j'en passe et des meilleurs..vous vous dites il ne peut pas y avoir d'autres histoires...

le 28 déc. 2019

21 j'aime

8

Du même critique

Batman v Superman : L'Aube de la Justice
sebastiendecocq
8

Un coup dans l'eau pour la future Justice League

L’un des films (si ce n’est pas LE film) les plus attendus de l’année. Le blockbuster autour duquel il y a eu depuis plusieurs mois un engouement si énormissime que l’on n’arrêtait pas d’en entendre...

le 28 mars 2016

33 j'aime

1

Passengers
sebastiendecocq
5

Une rafraîchissante romance spatiale qui part à la dérive

Pour son premier long-métrage en langue anglophone (Imitation Game), Morten Tyldum était entré par la grande porte. Et pour cause, le cinéaste norvégien a su se faire remarquer par les studios...

le 29 déc. 2016

29 j'aime

La Fille du train
sebastiendecocq
4

Un sous-Gone Girl, faiblard et tape-à-l'oeil

L’adaptation du best-seller de Paula Hawkins, La fille du train, joue de malchance. En effet, le film sort en même temps qu’Inferno (à quelques jours d’intervalles), un « Da Vinci Code 3 » qui attire...

le 28 oct. 2016

28 j'aime

4