Lorsque la Shaw Brothers est en plein déclin au début des années 80, elle tente de faire appel à des nouvelles têtes afin d’essayer de se donner un nouvel élan. Parmi elles, il y a Tony Liu qui a envie de dynamiter un peu tout ça avec son style bien à lui. Et le bougre est prolifique puisque ce sont pas moins de 4 films qu’il aura sortis juste en 1983 : Toothless Vampires, The Lady Assassin, Holy Flame of the Martial World et Bastard Swordsman sur lequel nous allons nous attarder ci-dessous puisque l’éditeur français Spectrum Films semble s’intéresser à la filmographie de Tony Liu. Il nous présente pour la première fois en France un des films les plus réussis du réalisateur qui, avec ses wu xia pian complètement fous, annonçait déjà la vague de néo wu xia pian qui a déferlé sur le cinéma de Hong Kong au début des années 90.


Mais tout d’abord, un peu de contexte. Tout a commencé avec une série TV de 1978 intitulée Reincarnated (a.k.a The Transformation of the Heavenly Silkworm). Elle mettait en scène Norman Chu et Nora Miao et le célèbre réalisateur / chorégraphe assurait les combats et les scènes d’action. La série était une des premières tentatives de présenter des chorégraphies d’action « nouvelle vague » et le succès fût tel qu’une suite verra le jour avec Goo Goon Chung (vu dans de nombreux Shaw Brothers). Cette série donna même naissance à un roman écrit par Huang Ying. Cinq ans après Reincarnated, Bastard Swordsman voit le jour et son titre chinois, qui se traduit par Transformation du Ver à soie Céleste, est le même que celui de la série de 1978. Tony Liu semble avoir la même passion que Ching Siu-Tung pour les combats complètement fous. Ah oui, que ceux qui n’aiment pas les combats virevoltants et complètement surréalistes passent immédiatement leur chemin car, à l’instar de films tels que Buddha’s Palm, Holy Flame of the Martial World ou Portrait in Crystal, nous sommes ici dans de la pure fantasy survoltée dont Tony Liu est un des dignes représentants. Les affrontements sont dynamiques, aériens, parfois accélérés, avec des chorégraphies bien inventives enchainant des idées parfois complètement folles. OSEF les lois de la physique, ici, c’est le dynamisme et le fun qui priment jusqu’au paroxysme lors de la scène finale, complètement surréaliste, avec la technique du ver à soie où le héros est capable de s’enfermer dans une sorte de chrysalide et de lancer des attaques avec des fils de soie. Tony Liu, aidé de Yuen Tak (Fong Sai Yuk, Operation Scorpio) se lâche complètement, offrant au spectateur une avalanche de combats tous plus excellents les uns que les autres. C’est simple, il ne se passe pas 2/3 minutes (parfois moins) sans qu’il y ait un combat. C’est un festival frénétique qui ne laisse que peu de temps pour souffler tellement ces scènes s’enchainent à vitesse grand V.


Mais les scènes plus calmes entre les combats sont elles aussi soignées. Tony Liu arrive en quelques secondes à peine, avec des idées ou des plans bien trouvés, à faire immédiatement avancer un scénario qui est bien plus qu’un simple ensemble de combats reliés par du remplissage. La multitude de personnages qui nous sont présentés sont intéressants et prennent part à des scènes dramatiques qui nous surprennent constamment par des révélations inattendues. Mensonges, trahisons, complots, vengeances, révélations, un cocktail qu’on a l’habitude de voir mais qui fonctionne très bien avec des loyautés qui changent, des bons qui deviennent méchants et inversement. Nous avons deux clans en conflit et un troisième qui va venir jouer les trouble-fêtes. Au final, elles ne sont pas là que pour amener la scène d’action suivante mais bien pour mettre en avant des tensions, des doutes, et pour nouer des amitiés / haines entre les personnages. Ils sont d’ailleurs nombreux, dont trois féminins qui sont très intéressants, et on se prend très vite d’empathie pour celui interprété par Norman Chu, habituellement abonné aux rôles de méchant, mais qui ici interprète un gentil héros qui va subir les foudres de ses comparses. Mais malgré tout, on aurait aimé un peu plus de profondeur sur certaines idées ou certaines relations entre les personnages. Certains auraient mérité plus de présence à l’écran, afin de développer un peu plus le background, mais malgré tout l’ensemble se tient, d’autant plus que Tony Liu soigne vraiment sa mise en scène. La photographie est réussie. Certes, certains décors font parfois un peu fake avec leurs faux arrière-plans en tissu/peinture, mais c’est l’époque qui veut ça et cela participe au charme de ce genre de production. Visuellement, c’est parfois bien fou, Tony Liu se permet pas mal de folies bien que l’ensemble soit plus sage que des films tels que Holy Flame of the Martial World, Portrait in Crystal ou Buddha’s Palm en termes d’effets visuels flashy et psychédéliques. Mais une chose est sûre, c’est que Bastard Swordsman est une des dernières grandes réussites de la Shaw Brothers et un excellent film de Tony Liu. Maintenant, il n’y a plus qu’à se lancer dans la suite.


Si vous aimez les combats complètements fous et les films qui vont à cent à l’heure, alors Bastard Swordsman est fait pour vous. Tony Liu signe ici un très bon wu xia pian fantasy au rythme trépidant et à l’intrigue plus complexe qu’il y parait.


Critique originale avec images et anecdotes : DarkSideReviews.com

cherycok
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le 19 oct. 2021

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