Film d'enfance pour certains, d'adolescence pour d'autres, cette "première" mouture cinématographique du comics mettant en scène nôtre chère chauve-souris passe encore aujourd'hui pour un oeuvre culte. Réalisé par le non moins culte Tim Burton...vous savez cet être malade, dont le goût pour la fantaisie gothique habille encore quelques adolescents malades (eux-aussi) pour la plupart nés après 1993, scandant souvent leur goût immodéré pour le cinéma du cinéaste dont le chef-d'oeuvre serait selon eux: A Nightmare Before Christmas...Pas de bol les enfants, celui là n'est pas de lui (Selick garde la pêche...)! Mais avant que ces jeunes âmes ne dépensent l'argent de Papa et Maman pour s'engouffrer dans une obscure salle d'un sale multiplex de banlieue pour voir les nouvelles aventures des Vengeurs, un à un ou en bande, il faudrait qu'ils sachent que Burton fit preuve de son génie non pas par ses élucubrations en images de synthèse trois dimensions mal étalonnées, mais bel et bien grâce à de petites perles faites main, friquées ou non telles que son Batman en 1989 (Oui, il y avait une vie avant Internet...).
Internet ou pas, c'est de Batman dont nous parlons ici. Et le film de Burton a pour lui de proposer un traitement atypique bien lointain des actuels techno-thrillers aseptisés de ce cher Christopher Nolan. Burton réalise donc un film "à l'ancienne", très emprunt de cet expressionnisme allemand qu'il chérit tant, dans lequel The Batman et The Joker s'affrontent, soit la sempiternelle lutte du bien contre le mal. Et si le Batman est tel que nous le connaissons aujourd'hui, un être noir et torturé, c'est sans doute grâce à Burton. Vous me direz, oui mais Miller, The Dark Knight Returns/Batman:Year One...Oui, je sais déjà tout ça, mais loin de vouloir faire un film exclusif aux fans de comic-books, Burton fait fi de beaucoup d'éléments de la mythologie mise en place depuis 1939, pour re-faconner son héros dans son propre univers, et Batman devient donc un hommage à Fritz Lang comme aux films de la Hammer, mais avant tout, un super-héros universel à l'histoire nouvelle.
Le mécontentement des Fans a pu être de taille, notamment face au casting de Michael Keaton dans le rôle de Bruce Wayne, le succès artistique comme commercial, n'en a aucunement pâtit. Et si le film n'est pas exempt de défaut, ce n'est surement pas à mettre sur le dos de Keaton, ni encore moins sur cette relecture du comics originel. Keaton fait un travail de composition admirable, conférant au personnage de Bruce Wayne une discrétion et une certaine retenue, tout en étant brutal et taciturne une fois son costume de cahuve-souris porté; contrastant énormément avec l'interprétation exaltée de Jack Nicholson qui cabotine comme il le fait (toujours) si bien. Ajoutez-y la ravissante Kim Basinger en photo-journaliste envoyée à Gotham City, qui joue parfaitement son rôle de potiche pas si insipide qu'elle en a l'air. L'astuce, et la réussite du scénario fut de créer un triangle amoureux en plus d'un double-jeu de chaque personnage. Nicholson joue ainsi sur deux tableaux, dont la rupture se fait après sa "transformation", Keaton joue le justicier et le milliardaire, et Basinger, le potiche de génie, qui fricote avec le Batman pour en tirer un joli reportage. Les deux-hommes se livrent finalement une lutte pour la donzelle, mais aussi pour être le clou du spectacle, comme la séquence avec les chars le montre si bien. Amenez là dedans une histoire de vengeance tombant lors de la dernière demie-heure, histoire d'ajouter du piment à l'intrigue, donnant lieu à un "qui à fait de qui ce qu'il est maintenant?"...
Mais voilà, si le film est une réussite, Burton commet quelques fautes. Son goût prononcé pour les maquettes et les effets-spéciaux à l'ancienne n'ont jamais été clémentes avec le film, et vingt-cinq ans après, les rides de son oeuvre sont plus que probantes. Mais soit, un film a droit de prendre de la bouteille, on regrettera néanmoins un certain manque de jusqu'au bout-isme de sa part, puisqu'à part son trio gagnant, il ne parvient pas vraiment à re-créer ce que fait la profondeur de Batman. A commencer par la lutte contre le crime, dans laquelle devraient tenter de se dépêtrer Gordon et Harvey Dent, et tous ces personnages "secondaires" semblent mis en image pour le simple respect des fanboys: "Le Joker tue les parents Wayne...Ouais! Mais regarde on a mit Harvey Dent, et c'est Lando Calrissian qui le joue!"...et puis...Prince!
J'adore Prince, mais je ne vois vraiment pas ce qu'il est venu foutre ici. Sans doute a t-il voulu refourguer ses légendaires partitions déjà prêtes, histoire de cachetonner pour son bon plaisir...heureusement il y a Danny Elfman qui signe une de ses plus belles partitions, et qui nous fait (presque) oublier les conneries du nain de Minneapolis...
Burton signe son troisième film avec Brio, offrant son style à une adaptation de comic-book qui marquera les esprits. Difficile toutefois de croire que le film passera de génération en génération, à l'instar du Superman de Richard Donner, Batman souffre de son âge sans cesse grandissant, mais c'est avec nostalgie qu'il faut redécouvrir cette perle de fantaisie noire en pensant qu'un jour il y avait un réalisateur du nom de Tim Burton qui émerveillait les masses que nous étions.