Bien qu'ayant engrangé une bonne poignée de pognon, Batman Returns n'aura pas franchement plu à ses producteurs et aux ligues de vertu, y voyant un spectacle bien trop sombre et sexué pour leur petites têtes blondes adorées. Se détachant d'un Tim Burton ravi de se barrer vers d'autres projets, la production engagera donc Joel Schumacher pour livrer un divertissement bien plus familial apte à vendre du jouet à la masse.
Ce qui me fait doucement marrer, tant Batman Forever, malgré ses atours de cartoon live pour mômes, s'apparente à une gigantesque boîte de nuit gay tendance SM, avec ses gros plans sur les fesses caoutchoutées de son héros partagé entre son love interest et son petit minot de Robin, ses clins d'oeil sur le bondage, ses deux vilains couinant sans cesse comme des folles... Enfin, passons.
Ce qui reste aujourd'hui de cette troisième aventure, outre sa médiocrité ambiante, est la constante hésitation qui émane de son cinéaste, d'un point de vue esthétique comme tonal et formel. Tout en conservant quelques éléments propres à Burton, Joel Schumacher transforme son terrain de jeu à grands coups de couleurs criardes et fluo, navigue constamment entre un sérieux imperturbable balançant une psychanalyse à quatre sous et un délire survolté plus proche de la série télévisée des 60's que du comic-book. Même topo en ce qui concerne la mise en scène, plate et sans envergure dans les moments de calme, mais complètement alambiquée et illisible dans les séquences d'action.
Un film qui a le cul coincé entre deux chaises, mais qui, paradoxalement, se montre du coup cohérent dans son illustration de la dualité qui hante ses personnages, qu'il s'agisse de Batman / Bruce Wayne ou de Two-Face / Harvey Dent. N'allez cependant pas croire que cela rend Batman Forever réussi, il n'en est rien. Torché avec des moufles, incapable de se réapproprier correctement certains passages du comic-book (l'image de la chauve-souris aurait pu être pertinente si mieux utilisée), d'une profonde débilité et prenant son public pour un ado attardé, le film de Schumacher est également effroyablement mal joué.
S'il est plus facile de voir Val Kilmer en playboy que Michael Keaton, le comédien se montre incapable de jouer correctement, arborant une moue impassible du début à la fin. Face à lui, Chris O'Donnell compose un Robin bien fade et Nicole Kidman ne tente même pas de cacher la superficialité de son personnage de chatte en chaleur. Quant aux bad guys de l'histoire, il vaut mieux oublier qu'il s'agit des talentueux Tommy Lee Jones et Jim Carrey, les deux larrons cabotinant à s'en faire péter les maxillaires, à tel point qu'on les croirait déchirés comme deux potes de beuveries. Seul l'honorable Michael Gough parvient à conserver son flegme.
Sacrée douche froide que cette troisième incursion cinématographique, surtout après les deux bijoux qu'étaient Batman Returns et Mask of the Phantasm. Cela montre cependant bien que sans un solide artisan ou un auteur talentueux à la barre, ce genre de produit coule irrémédiablement au fond d'un océan de merdouille. Reste un délire crypto-gay étonnamment cohérent dans sa confection qui pourra faire sourire, à condition d'avoir un bon tarpé à faire tourner.