La féline.
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Dans cette classification un peu iconoclaste des films dits de Noël, l’un des plus marquants est en l’occurrence Batman le défi de Tim Burton. Car au lieu de réunir autour d’un beau feu de cheminée la famille buvant des cookies trempés dans du lait chaud, le cinéaste malmène son spectateur, ironise sur la société et crée à n’en pas douter, l’une de ses œuvres les plus personnelles.
Batman le défi est un long métrage singulier dans l’univers cinématographique de l’homme chauve-souris. Dans un Gotham City, burlesque, enneigé, corrompu, poisseux, qui voit s’engluer une masse difforme et désenchantée, Tim Burton déclare sa flamme aux marginaux, aux exclus de la société, qui voient enfin retentir leurs heures de gloire dans les films de super-héros. Le cinéaste joue sur les ambiguïtés, accentue les reflets et iconise au maximum une Catwoman suicidaire et un Pingouin dramatiquement haineux. Aujourd’hui, une certaine vision manichéenne a pris le dessus dans l’écriture des films de super-héros : Batman le défi, lui, prend à revers le fantasme du vilain méchant, pour le détourner et le sacraliser à l’image de Catwoman, qui se voit érotisée et dominatrice comme jamais.
Mais que l’on ne s’y trompe pas : à aucun moment, Tim Burton légitimisme leurs actions ou aborde un point de vue politique. La parti pris est cinématographique : Tim Burton se sert du matériel de base qu’est la franchise Batman pour développer son univers, accroitre sa marginalité gothique grâce à des personnages dans lesquels il se reconnaît. Que cela soit dans Edward aux mains d’argent, ou même Beetlejuice, Tim Burton a toujours pris parti pour les incompris, ceux qui étaient recalés par la société à cause de ladite normalité. Batman, Catwoman et le Pingouin, c’est un terrain de jeu parfait pour lui, pour dessiner les contours d’un film qui puise autant dans la divertissement baroque que le drame social et sociétal burlesque.
Pendant qu’il rend hommage à la nature graphique de ses personnages, il dépeint d’un autre côté, une société idiote, aliénante et pleine de préjugés : c’est aussi la thématique principale de Burton – le visage monstrueux de l’Amérique – et Batman le défi s’inscrit parfaitement dans cette « tradition » là. Que l’œuvre soit personnelle ne signifie pourtant pas que le cinéaste en oublie un certain cahier des charges du film de super-héros avec ses scènes d’action, ses moments de tension et ce questionnement moral sur les actions – et leurs conséquences – de chacun. Du décor au effets spéciaux, des costumes au cadre, Batman le défi est un orchestre visuel assez grandiose à la fois par sa profondeur de champ mais aussi par sa faculté à travestir l’héroïsme dans de vastes ténèbres.
Des morts, de la haine, du terrorisme, de la revanche, de la rédemption, le film a beau être l’un des plus bariolés et colorés de la franchise, il n’en reste pas moins l’un des plus tristes et mélancoliques. De cette manière, dans son écriture, cela se ressent grandement : puisqu’il fait de Batman, un unique symbole, un reflet de l’autorité alors que pendant ce temps, il prend le soin de disséquer ses personnages secondaires. Au lieu de magnifier cette société monotone et puritaine, il laisse sa caméra errer dans les endroits souterrains de Gotham, enlève les menottes de soumissions aux petites gens et les voit grandir dans un extrémisme moribond et inéluctable.
Batman le défi est une œuvre paradoxale : d’un côté c’est l’un des films qui s’éloigne le plus de la veine « Batman » avec un auteur qui s’accapare pleinement le sujet avec son style gothique, cartoonesque et grandiloquent, et pourtant, avec sa mise en scène, sa noirceur, sa haine de l’uniformisation ou même sa finesse d’esprit, c’est l’un de ceux qui comprend le mieux l’ambivalence psychologique des personnages de l’univers Batman.
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Créée
le 27 déc. 2018
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