Parlons-en de ce "Batman et Robin".
Avant toute chose: Oui, c'est nul. Toute personne sensée vous le dira, ce film est une atteinte de première catégorie au bon goût, à l'humour, au genre super-héroïque, et à la notion même de civilisation.
Mais pourquoi est-il si mauvais? Mon explication est que le "Batman et Robin" de Schumacher ne sait pas à quel public il s'adresse. Le film tente de brasser le plus large possible, de stimuler les basses pulsions du plus grand nombre et, au final, échoue sur tous les tableaux.
Nous commencerons par l'humour. On ne compte pas le nombre incroyable de blagues vaseuses relatives à la glace lancées par un Freeze (Schwarzenegger) en roue libre ("Je crois que j'ai jeté un froid !", "Brisons la glace", "Je te refroidirai une autre fois"...), les blagues sur les plantes relatives à Poison Ivy (Uma Thurman) ("vieille branche", "la main verte", "belle plante"...), et les échanges dignes d'une cour de récré entre Batman et Robin ("je veux une voiture, les filles en sont dingues!").
Tout ici indique que Schumacher et les producteurs ciblent un public enfantin susceptible de rire de ces "traits d'esprit". Après tout, utiliser le film de super-héros pour faire un divertissement abrutissant et jusqu'au-boutiste, pourquoi pas. Cette théorie du "film familial facile" est notamment étayée par la quantité de jouets tirés du film.
Mais c'est là que les choses se compliquent.
Car à l'humour potache s'ajoute une ambiance glauque doublée d'une certaine fascination pour la laideur. Les scènes d"intérieurs semblent toujours se dérouler dans les boîtes de nuit les plus infâmes de la côte d'azur des années 1990, avec une abondance de néons colorés invitant le spectateur à s'arracher la rétine avec les ongles.
Costumes moulants (avec tétons apparents), doubles sens sexuels plus qu'explicites dans les dialogues (Poison Ivy désireuse de se faire "arroser la pelouse"...), culture du laid et de la débauche, "Batman et Robin" donne parfois le curieux sentiment d'un croisement entre "Mad Max", "Saturday Night Fever", et Jean-Marie Bigard.
Comment penser alors que "Batman et Robin" est destiné aux enfants? C'est surtout un film beauf, bas du front, utilisant les personnages de DC pour faire rire gras dans les chaumières.
Et c'est là que le film devient vraiment fantastique. Parce que par moment, malgré cet humour aussi léger qu'un cachalot en surpoids, malgré ces ignominies visuelles de chaque instant, Schumacher tente sincèrement d'apporter de l'émotion à son "oeuvre".
Alfred est mourant, Freeze veut sauver sa femme, Bruce Wayne revit ses traumatismes d'enfance... Mais dans quel monde ça peut marcher? Comment faire de Freeze un personnage complexe après lui avoir fait débiter des blagues nulles en gelant les policiers de Gotham? Comment donner de la profondeur à Bruce Wayne alors qu'on pourrait confondre Batman avec un habitué de clubs SM doublé d'un imbécile fini? On notera d'ailleurs que la performance de Clooney (si si, c'est lui), lorsqu'il ne porte pas le costume, se limite à des petits sourires en coin transpirant un sérieux malaise.
Schumacher a osé draguer les fans de Batman en créant des enjeux dramatiques autour des personnages, personnages dont il viole allègrement tout le background. Je ne comprends simplement pas comment on peut penser qu'un tel cocktail d'hypocrisie, de mauvais goût, et de débilité puisse prendre auprès de qui que ce soit.
Du coup, qu'est ce qu'on peut retirer de "Batman et Robin"? Une première scène d'action bien fun si prise au 456ème degré et un Schwarzy qui cabotine tellement qu'il en devient le seul intérêt du film. Sérieusement, une telle implication dans un projet si pourri, ça mérite un prix de la camaraderie.
En réalité, je savais que le film était une sombre bouse lorsque je l'ai lancé. Je voulais juste rire sainement, avoir de l'affection pour un nanar de compétition. Je me suis retrouvé avec un sale goût dans la bouche à la fin.
Car "Batman et Robin" n'a rien d'un plantage innocent. Il représente tout le cynisme des studios désireux de continuer à utiliser l'image du chevalier noir pour flatter un public imaginaire. Personne ne veut voir ça.