J'aurai eu la chance de ne pas me coltiner la version cinéma de Batman V Superman, son montage catastrophique semblant expliquer en grande partie les retours majoritairement frileux sur le dernier Snyder : en l'occurrence, l'Ultimate Edition m'aura grandement soulagé, celle-ci attestant d'un blockbuster bien plus réussi qu'escompté, et ce en dépit d'un cahier des charges assurément handicapant.


En l'espèce, le fait est que le film était d'emblée préconçu comme l'antichambre d'un projet plus vaste, alors destiné à concurrencer Marvel Entertainment sur le créneau confortable des Avengers : l'intitulé "Dawn of Justice" ne laissait ainsi guère de place aux doutes quant à la volonté d'instituer les fondations de la Justice League, soit le regroupement super-héroïque phare de chez DC.


Un handicap en soi pour le présent long-métrage, celui-ci devant s'acquitter d'une myriade d'éléments scénaristiques à amorcer, si ce n'est mettre carrément sur pied, pour le compte d'une Justice League prévue pour la fin d'année 2017... Autant dire qu'en termes de deadlines, le challenge se posait. Mais qu'à cela ne tienne, exit le second opus exclusivement dédié à Superman, voici qu'une nouvelle estampe plus corsée de Batman voit le jour, auquel s'ajoute de façon plus secondaire une Wonder Woman ayant à s'émanciper de son statut (d'ordinaire) kitch.


Bref, tout ceci pour dire que l'équilibre scénaristique, tant en termes de teneur que de cohérence, de Dawn of Justice risquait de pâtir d'une telle approche globale, rushée et j'en passe et des meilleurs. Mais comme énoncé plus haut, le résultat s'avère finalement probant : si l'on pourra naturellement pointer du doigt des facilités récurrentes au service du bon cheminement de l'intrigue (Loïs Lane), l'ensemble tient on ne peut mieux la route au travers d'un enchevêtrement de thématiques étoffant l'ambiance résolument "épique" du long-métrage.


Certes, et sans surprise, ce sont surtout les contours de la Justice League qui pèchent : disséminés ci et là, les brèves entrevues de ses futures membres dénotent de par leur survol paradoxalement pesant car allègrement grossi. L'apparition onirico-incompréhensible de Flash pointe pour sa part un semblant de maladresse, cette séquence étant pour le moins saugrenue comme soudaine ; toutefois, la crainte entourant le personnage de Wonder Woman, centrale sur cet axe de scénario, laisse la place à une certaine satisfaction. Définitivement pertinent, le choix de Gal Gadot n'y est pas pour rien, tandis que Dawn of Justice parvient (miraculeusement) à se défaire de l'écueil (tant redouté) du cheveu sur la soupe... un état de fait rendu en partie possible grâce à son thème musical prenant et sa participation dantesque à la baston finale, mais nous y reviendrons.


Quant au fameux mashup de thématiques, le film se pare d'une crédibilité ainsi que d'une profondeur surprenante pour un blockbuster de cet acabit : avec pour fonds de commerce la légitimité de la figure quasi-divine qu'incarne Superman, et dans une moindre mesure celle du justicier masqué, Dawn of Justice compose avec une certaine aisance une toile politique judicieuse. S'ajoutant à une atmosphère trouble, le long-métrage dépeint ainsi un univers sous haute tension jugulé de plusieurs points d'orgue savoureux, tel cet attentat magistral tant il est percutant : d'ailleurs, l'influence insidieuse de Lex Luthor est des palpables comme appréciables, et si l'on passe outre ses motivations grandiloquentes il s'avère que ce dernier constitue un antagoniste somme toute réussi.


En ce sens, l'interprétation excellente de Jesse Eisenberg y est pour beaucoup, mais également une réalisation aux petits oignons : entendons par là que, bien sûr, ce Snyder n'échappe pas aux canons visuels de ce dernier (patents à souhait dans Man of Steel), mais l'esthétisme global du long-métrage se pare de quelques plans bien sentis et corrélés à une BO jouissive. Au demeurant, Batman V Superman paraît d'ailleurs davantage équilibré que les précédentes aventures du kryptonien, tandis que son rythme ne pâtit en rien de la version rallongée qu'est l'Ultimate Edition, soit un cocktail étonnamment digeste.


En somme, je n'aurai pas boudé mon plaisir, quand bien même l'on puisse pointer du doigt la facilité de certaines clés d'intrigue et autres ressorts scénaristiques : le fusil de Tchekhov "vous-savez-qui/quoi" en est à bien des égards l'exemple le plus parlant, celui-ci concluant une joute grisante alors au paroxysme de son intensité. Si certains ne manqueront pas de le tourner en dérision, pour ma part son effet aura été des plus efficaces, d'autant qu'il précède la fameuse bastonnade de fin : un peu à rallonge certes, celle-ci constitue néanmoins un beau défouloir dans le plus pur style Snyder, du pain béni pour moi qui en suis friand !


Batman V Superman n'est donc pas la catastrophe annoncée, en tout cas pas cette version longue généreuse : entre ambiance pesante (le songe apocalyptique du Chevalier Noir, les magouilles du rejeton Luthor etc.), esthétisme global équilibré et une intrigue bien moins maladroite que prévue, ce Snyder se veut fort satisfaisant. En tant que tel, son casting efficace (Ben Affleck, à l'instar de Ryan Reynolds dans Deadpool, renaît ici de ses cendres) et ce packaging formel renversant occultent en partie son grand handicap de départ : ceci, au point de me faire dire qu'il est même de bon augure concernant le devenir de la Justice League... mais rien n'est jamais gagné d'avance, alors croisons les doigts.

NiERONiMO
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2016 et En 2017, je rattrape mes critiques en retard

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le 12 févr. 2017

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