Précision utile : j'ai attendu la version longue pour donner un avis définitif sur Batman V Superman: L'Aube de la Justice.


La version sortie en salles avait beau durer 2 heures et demie, elle ressemblait malheureusement à un inutile compromis entre les aspirations artistiques et la nécessité économique. Raccourcis évidents, éléments d'intrigue bâclés, montage bizarroïde; le film souffrait d'un trop-plein qui paradoxalement amenuisait l'ensemble. 30 minutes de plus suffiraient-elle à relever ce colosse aux pieds d'argile? Sans surprise, c'est le cas.


Le montage abrupte et parfois incohérent du montage cinéma devient ici fluide et logique. L'enquête de Loïs Lane est cette fois le centre névralgique du film, ce qui permet à la fois d'expliquer le complot machiavélique mis en place par Lex Luthor et d'approfondir le film. Le personnage de Superman est également bénéficiaire de ces ajouts. Certaines scènes supplémentaires parviennent à rendre palpable les doutes d'un homme à la croisée des chemins, ce qui renforce l'arc émotionnel du personnage. Là où la version cinéma se tournait plus vers le Chevalier noir, celle-ci offre une égalité de traitement bienvenue. Intelligemment, le script s'inspire du comics The Dark Knight Returns de Frank Miller tout en retournant l'intrigue.


En résulte une lecture plus âpre du Batman et un traitement plus lumineux de Superman. Snyder ne néglige pas les limites du système de valeur du Chevalier noir. Plus brutale, cette nouvelle incarnation se pose presque comme une alternative à la version de Christian Bale (et si Bruce Wayne s'était obstiné à rester Batman à la fin de The Dark Knight Rises?). Choix plus que judicieux, car cela remet en perspective l'héroïsme du personnage.
Ben Affleck, au sommet de sa forme et de son charisme, compose un réjouissant Bruce Wayne/Batman. On pourra toujours préférer une autre vision, la sienne a toute sa légitimité. Henry Cavill confirme les espoirs placés en lui dans Man of Steel : il joue tout en sensibilité et en sobriété ce Superman au bord de la dépression. Sans conteste la plus profonde des incarnations du super-héros. Jesse Eisenberg propose lui une version cabotine de Lex Luthor. On peut y goûter ou pas, pour ma part j'ai trouvé le choix audacieux même s'il est parfois hasardeux. Amy Adams s'en sort toujours très bien en Loïs Lane, Jeremy Irons propose un Alfred Pennyworth intéressant, et Holly Hunter illumine toujours l'écran à chaque apparition.


Formellement, on tient ici le chainon manquant entre Watchmen et Man of Steel. Peu avare en scènes fortes visuellement (l'introduction, le cauchemar, les séquences de combat), Snyder prend son sujet au sérieux. On peut même remarquer un léger self-control sur le style pompier qui lui est souvent reproché. Certes, les ralentis et les poses sont parfois trop emphatiques mais ils ne font pas obstacles aux comédiens. Donc, une petite surprise.


Certains point noirs demeurent, comme de juste lorsque le film braconne sur les terres de la concurrence. La dernière partie (expédiée) se perd dans la bouillie numérique et l'ajout de WonderWoman a tout de l'opportunisme, compte tenu de son inutilité. je ne parle même pas du caméo des autres super-héros de l'écurie DC, lancé n'importe comment. Tout cela encombre le programme de remplissage stérile.
Fâcheux, le film demeurant plus profond et efficace qu'attendu. Il est regrettable que Snyder ne se soit pas davantage battu pour que cette version soit le montage définitif. La version sortie en salles, qui fut considérée comme une déception artistique et commerciale, a amené la Warner à se positionner sur le même terrain que la concurrence. Cruelle ironie pour un film qui, une fois visionné dans sa version longue, a su proposer une alternative solide et intelligente.

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le 25 juil. 2019

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