Edit du 07/11/2018

Batman v Superman est une œuvre injustement sous-estimée.

Autrefois, un film de super-héros était un événement. Chaque spectateur ayant, entre-autres, suivi dans les années 90 les séries animées Batman, Spider-Man et X-Men, visionné les films de Tim Burton, Sam Raimi et Bryan Singer, ou lu les comics pour les plus assidus, ne pouvait que se réjouir que le genre se développe. Disney a changé la donne avec son MCU, transformant le genre en une machine dont les produits quasi-identiques suivent néanmoins une certaine trame au sein d'un univers cohérent. Après avoir produit la trilogie de Nolan qui sortait un peu des sentiers battus, Warner s'est décidé, en 2013, à instaurer à son tour son propre univers avec Man of Steel.

N'ayant apprécié de ce dernier que les premières minutes et la musique, et peu rassuré par tous les avis négatifs que son successeur comptait déjà alors qu'il venait tout juste de sortir en salles, on avait toutes les raisons de s'attendre au pire en allant le voir. D'autant plus que rien ne nous y attirait vraiment, pas même son idée de départ dérivée du très apprécié The Dark Knight Returns de Frank Miller, qui avait déjà donné lieu en 2012 à une adaptation OAV de qualité discutable.

Mais contre toute attente, Batman v Superman se révèle un objet filmique habitée d'une âme d'artiste, et ce dès sa scène d'ouverture.

La naissance iconique du Chevalier Noir par le traumatisme que l'on connait tous trouve sous la direction de Zack Snyder une relecture onirique et poétique, le réalisateur délaissant les filtres grisâtres et la caméra parkinsonienne de Man of Steel pour retrouver la touche graphique et les gros plans au ralenti qu'on lui connait bien. Le générique est magistral, animé d'une synergie parfaite entre les images et la musique à nouveau composée par Hans Zimmer. L'esthétique avec lequel Snyder choisit de faire revivre le meurtre des parents Wayne est presque séduisant. Déjà, on se demande si le film qu'on est en train de regarder est bien le même que celui que les critiques et le public ont fustigé de toute part.

La scène suivante nous renvoie en plein dans MoS afin de rappeler les bases du DCEU et introduit un nouveau personnage du point de vue duquel sera raconté une bonne partie du film. Certes, on pourrait trouver des choses à redire sur la façon de faire de Snyder (pourquoi diable les pauvres employés attendent-ils le coup de fil de leur patron pour se mettre à l'abri ?), mais Dieu comme ça fait du bien de voir un Ben Affleck aussi énergique et investi ! Le regard qu'il jette à l'Homme d'Acier en dit long : sa détermination à lui faire payer sera terrible.

Retour dans le présent. L'histoire de BvS se base sur l'image controversée de Superman et sur son rapport à l'humanité. En cela, la performance d'Henry Cavill couplée à la vision de Snyder est extrêmement intéressantte : même s'il est détesté et craint d'une bonne partie de la population, l'Homme d'Acier ne cherche qu'à mettre ses pouvoirs au service du bien et répugne toujours autant à ôter des vies (même s'agissant de son pire ennemi, Lex Luthor, auquel nous reviendront). Son attitude dépeint un héros bien plus humain et dépassé qu'il n'y parait, en particulier lors de la scène superbe de l'attentat au Capitole, où il reste un moment immobile au milieu des flammes avant d'agir.

You were never a god. You were never even a man!

Mais nul n'en veut plus au fils de Krypton que le Chevalier Noir de Gotham, que les années et la catastrophe de Métropolis ont endurci au point d'imposer sa marque au fer rouge et de mitrailler les criminels sans vergogne. Un Batman qui ne fait pas dans la dentelle, on a rarement vu ça à l'écran. D'autant plus que Ben Affleck (que tout le monde pensait être une erreur de casting monumentale) se révèle, encore une fois, être la meilleure surprise de tout le film. Bien plus imposant physiquement que ceux qui l'ont précédé (il n'y a qu'à voir la courte mais impressionnante scène de son entraînement), l'acteur Américain autrefois cantonné à de simples emplois de "beau gosse" donne l'impression que ce rôle était taillé pour lui depuis le début. Tantôt calme et posé sous les traits du milliardaire torturé Bruce Wayne, tantôt dur et implacable dans le costume de l'Homme-chauve-souris, Batfleck vole la vedette à Supercavill et livre les meilleures scènes du film, parmi lesquelles une course-poursuite en Batmobile diablement rythmée, quelques échanges très efficaces avec un Alfred plus serviable et plus cynique que jamais (Jeremy Irons au top de sa forme), ou encore un affrontement époustouflant contre des dizaines de malfrats dans un entrepôt désaffecté, que l'on croirait sorti tout droit de la série de jeux vidéos Arkham, et où l'on voit enfin en action le Batman qu'on rêvait de voir depuis des années : un Batman redoutable, que les années n'ont ni ramolli ni radouci (loin de là), utilisant une technique de combat méthodique, brutale et imparable.

La scène tant attendue de l'affrontement contre l'Homme d'Acier s'avère elle, plus inégale, bien que regorgeant de quelques qualités méritantes ; plusieurs plans iconiques tout d'abord (Batman allumant son Bat-Signal et attendant patiemment son adversaire sous une pluie battante), une ou deux répliques bien senties ("Inspire. C'est de la peur") et surtout une violence presque utopique pour une production de cette ampleur. Quant à son dénouement - qui constitue certainement le point le plus controversé du film - l'on peut certes trouver des choses à redire dessus, surtout concernant le revirement expéditif du Chevalier Noir vis-à-vis de son adversaire. Personnellement, je suis de ceux qui en ont apprécié l'idée ainsi que l'exécution, aussi audacieuse que risquée.

Et la catharsis du Chevalier Noir renvoyant directement au générique d'ouverture est tout simplement magnifique.

I've killed monsters from other worlds before.

Bien que prévisible et non exempt de maladresses (le design de Doomsday rappelant fortement celui d'un troll des cavernes sorti tout droit de Fellowship of the Ring), le climax du film est une autre réussite, ne serait-ce que pour le sous-titre Dawn of Justice y prenant tout son sens :

L'entrée en scène de Wonder Woman est phénoménale, le plan montrant le trio fer de lance de la Justice League a de quoi devenir culte, et même si d'aucuns y décrient une bouillie d'effets spéciaux, le combat qui s'ensuit se déroule dans une ambiance apocalyptique sans pareille. Combat dont l'issue promet une certaine dose d'émotions (mention spéciale à une scène de funérailles qui n'est pas sans rappeler celles du Comédien dans Watchmen) et, l'on aurait voulu, une base solide pour la suite des événements.

Un mot sur les acteurs dont je n'ai pas parlé : Amy Adams parvient à se rendre un peu plus utile même si elle ne démord pas de son sempiternel (et exaspérant) rôle de demoiselle en détresse, tandis que Gal Gadot crève autant l'écran en costume d'Amazone qu'en robe de soirée. Quant à Jesse Eisenberg, si son interprétation de Lex Luthor ne mettra fatalement pas tout le monde d'accord (jeu exagéré, mimiques parfois ridicules), elle s'avère plutôt raccord avec le scénario. Les ambitions de son personnage sont claires et sa mégalomanie parfaitement illustrée (mettre Dieu et l'homme le plus dangereux du monde à ses pieds du même coup, rien que ça). Sans compter qu'il est l'un des rares antagonistes à parvenir à ses fins ! Bref, si l'on oublie un tant soit peu son allure de Mark Zuckerberg du Côté Obscur, ça passe.

D'ailleurs en parlant de points faibles : on a reproché au film un scénario inutilement alambiqué, dont la version Director's Cut a permis de combler les trous ; cependant, la version cinéma n'est pas aussi bancale qu'on voudrait le faire croire. De mon côté, seuls certains détails gênent un peu, comme par exemple la séquence où Bruce Wayne rêve d'un futur post-apocalyptique où Superman est devenu dictateur (assez déroutant à moins d'être un lecteur de comics ou d'avoir joué à Injustice), et aussi quelques infos spatio-temporelles pas très claires (Gotham et Métropolis sont-elles à un jet de pisse l'une de l'autre ou bien est-ce une seule et même ville ??? Bref).

Conclusion

Avec BvS, Warner avait une amorce bien plus solide et aboutie que MoS pour lancer leur DCEU. Hélas eut-il fallu qu'ils écoutent la mauvaise partie du public (celle-là même jugeant le film de "trop sombre") et retournent leur veste, faisant de Justice League une sinistre copie conforme d'Avengers aux antipodes de la vision de Snyder. Si l'on ajoute à cela le départ de ce dernier suite à une tragédie familiale dont il n'est pas près de revenir, il y a de quoi s'inquiéter pour l'avenir de DC au cinéma.

Quoi qu'il en soit, son film demeurera toujours pour moi l'un des derniers vrais bons crus du genre super-héros, chose que je doute de voir se reproduire de sitôt.

On a frôlé le chef d'œuvre.

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le 25 avr. 2023

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reastweent

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Kelemvor
4

Que quelqu'un égorge David S. Goyer svp, pour le bien-être des futures adaptations DC Comics !

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