Je suis souvent assez stupéfait de voir la propension - assez inquiétante pour le futur de l'humanité, quand on y pense posément - des gens réunis ici à suivre sans jamais se poser de questions l'avis de la masse. Rares sont ceux qui se font un avis de nos jours... la plupart préfèrent que l'on se fasse un avis à leur place. C'est précisément ce qui est en train d'arriver à ce film; d'ailleurs. Quelques gogos sevrés aux licences Marvel ont été surpris de voir que ce film était sombre, réalisé dans le sens inverse de celui où l'on vend des produits dérivés à des enfants aphones fan de Disney et - pire que tout - doté d'une forme de réflexion intemporelle sur ce que cela veut dire, en fait, d'être un dieu à taille humaine. Ou, encore plus fort, de penser devoir l'abattre pour le bien de tous. Paf, rien que ça. Thématiquement tout ceci est très loin du style coloré des productions cinématographiques de la Maison des Idées, admettons-le. Mais est-ce une mauvaise chose pour autant?
Pas besoin de répondre à la question : elle était purement rhétorique. D'ailleurs, à voir le niveau du discours proféré par les scribes locaux sur ce film... je vous invite poliment à ne pas polluer mon espace vital avec vos arguties. (Sauf, évidemment, si vous comprenez le mot "argutie" sans devoir en chercher la signification sur internet; c'est une sorte de test capacitaire destiné à séparer le bon grain de l'ivraie.) Pour revenir à cette transition qui soudain s'enfuit comme mille chevaux de tant d'écuries : la réponse est non. Ce n'est pas une mauvaise chose qu'existe une alternative pour adultes - et non pas pour adulescents, si vous voyez ce que j'veux dire - du cinéma de super-héros. Car la vie n'est pas une série de situations sauvées in-extremis par des créations colorées aux pouvoirs aisément marketables. Non. La vie est une série de catastrophes personnelles inévitables dont chacun d'entre nous tente de faire le deuil continuel. Parfois, l'on tente de s'intercaler dans le chemin de la fatalité. Et, si on a de la chance, l'on sauve une vie. Pas toute une ville flottante que l'on détruit soudain à quelques centimètres du sol par un revirement scénaristique Shi'ar; hein. Non. Une vie. Avec de la chance, c'est celle qui compte. Celle qui peut pousser une divinité à croire en l'humain.
Tels sont les thèmes du film. Ce n'est pas très profond, autant l'admettre, mais ce l'est déjà infiniment plus que ceux proposés par la fameuse équipe qui a construit son empire sur l'exploitation systématique de Jack Kirby. Est-ce parfait? Rien ne l'est, c'est évident. Mais quand on additionne les forces de ce film face à ses faiblesses, il est peut-être un peu long et comporte un dernier revirement vers la fin qui n'était pas forcément nécessaire, l'on obtient l'un des meilleurs long-métrages super-héroïques produits de ce côté-ci de la barrière. Ne laissez pas les fanboys/fangirls Marvellien(ne)s vous détourner d'un spectacle d'une telle qualité. Si vous avez une bonne compréhension de l'Univers DC et que vous espériez un jour voir un équivalent sur grand écran de ces histoires légendaires autrefois proposées sur papier par des génies comme Gene Colan, Neal Adams ou même Jim Aparo... c'est le film qu'il vous faut. Vous ne risquez pas d'y voir un Spider-Man tout en 3D tenter de voler un freesbee; hein. Mais j'imagine qu'il faudra vivre avec.