Lentement mais sûrement (trop lentement sans doute), on a fini par apprendre qu'il ne faut plus rien attendre des films de super-héros, qui s'obstinent à ne rien raconter et à le faire mal film après film, au point que la seule issue viable soit de transformer le genre en pure comédie (et de ce point de vue, il faut reconnaître que Ant-man et Les Gardiens de la Galaxie, par exemple, sont tout à fait réussis). Malgré tout, les productions estampillées héros DC Comics cherchent à se démarquer du rival Marvel en proposant des choses plus sérieuses, sans parvenir pourtant à concrétiser leurs ambitions ; s'il y a de l'idée dans les Batman de Nolan ou même le Man of Steel de Snyder, on s'arrête quand même juste à ce niveau et on sombre doucement (voire rapidement).


Arrive Batman contre Superman, dont on ne savait trop quoi penser, et qui se révèle finalement... et bien, pas mal du tout, voire même presque bon si on le compare aux productions super-héroïques classiques. C'est que pour une fois deux choses sont réunies, du moins pendant une bonne grosse moitié de film : une histoire intéressante et des personnages correctement construits. Mine de rien, ça n'arrive jamais, alors autant saluer la prouesse. Batman contre Superman, c'est l'interrogation sous-jacente à tout le genre super-héroïque, la question du justicier et de sa place dans la société, et surtout la question d'une justice supérieure à celle de l'homme. Cette question, qu'on retrouve en toile-de-fond-tarte-à-la-crème dans de nombreux films, est pour une fois traitée de front plutôt correctement (même si, on va le voir, on s'arrête encore en cours de route...). Batman incarne le vigilante humain, désabusé après 20 ans de lutte qui ne semble pas changer grand chose (les criminels se succèdent toujours), tandis que Superman se pose en quasi divinité, guide des humains et figure messianique aussi admirable que dangereuse (que se passera-t-il le jour où ses intentions changeront ?). Un être aussi puissant a beau faire le "bien" (ou s'efforcer de le faire), l'absence de tout contrôle sur ses actions ne peut être considérée que comme une menace, d'où la nécessité de trouver un moyen d'en venir à bout.


Le film prend des airs de récit mythologique moderne, raconte comment l'humain questionne la divinité et lui demande des comptes, comment il envisage ou non de remettre le concept de justice aux mains d'un Autre. Et, de façon assez surprenante, cette orientation quasi religieuse s'accorde parfaitement avec le style lourdingue de Zack Snyder, qui multiplie les plans composés comme des tableaux, lourds de symboliques, eux-mêmes alourdis par la musique pompeuse de Hans Zimmer. Du lourd et du pompeux, oui, mais qui font sens avec le propos, avec le thème. Un manifeste religieux sur la justice ne saurait se faire léger. Alors tout le monde est sérieux comme un pape, tout est gris, on ne sourit pas, et on papote beaucoup. Et c'est bien ce qu'il fallait faire pour traiter le sujet correctement. Attention, ce n'est pas non plus traité avec génie, ça reste du lourdingue à la Snyder. Mais, tout comme Ben Affleck s'avère très bien casté en Batman au bout du rouleau, brute et parano (à mon sens le meilleur Batman qu'on ait eu au cinéma), Snyder est également bien casté en tant que réalisateur pompeux mis aux commandes d'une production qui le nécessitait. Batman vs Superman réussit l'exploit de transformer les défaut en qualité, et c'est assez bluffant (la lourdeur de Snyder, le côté roc de Ben Affleck, et même les problèmes scénaristiques de Man of Steel, puisque la destruction de Metropolis sert de point de départ à l'histoire du film).


Alors bon, tout n'est pas réussi pour autant, loin de là... Le personnage de Lex Luthor est complètement raté, que ce soit dans le fond (il est inutile scénaristiquement, ayant peu ou prou les mêmes intentions que Batman, et est écrit comme un taré psychopathe, ce qui désamorce pas mal les ambitions du film - en les décrédibilisant et en détournant l'attention) ou dans la forme (Jesse Eisenberg le surjoue à mort, c'en est ridicule). Le marketing qui pousse DC à concurrencer Marvel sur le plan des groupes vient également gâcher la fête en forçant l'introduction des futurs membres de la Justice League et en particulier Wonder Woman, qu'on nous impose comme une mèche de cheveux sur la soupe (et qui dénote à tel point dans le film qu'on lui colle un thème musical naze et décalé et qu'on se sent obligé de l'introduire dans la baston finale en faisant les seules blagues du film, parce que sa présence n'a vraiment aucun sens). Bon, c'est nul et désolant, mais on aurait pu passez outre. Le vrai drame de ce Batman vs Superman, c'est qu'après 1h45-2h00 de film correctement mené, avec pour une fois de vrais enjeux qui se passent des classiques menaces de super méchant cons-cons (à Lex Luthor près, quand même, mais encore une fois son rôle initial coïncide pas mal avec celui de Batman)... tout d'un coup le film se renie, conclue la lutte des deux Super-héros en avortant le débat et la remise en question qu'on nous promettait, et bascule subitement et de façon absurde dans le classicisme sans intérêt. Un gros vilain débarque de nulle part très énervé, on se ligue contre lui et on fait une baston de 30 minutes qui ne dit plus rien (ou plutôt, qui vient contredire tout ce qu'on avait essayé de mettre en place). Que c'est décevant. On y était presque.

Mwarf
7
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le 9 avr. 2016

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Mwarf

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