(spoilers)
J'avais dévoré les 25 tomes du manga en 2006, quand on m'avait passé successivement chacun d'eux. Je me souvenais que j'enchaînais les pages à toutes vitesses, vraiment pris par le récit.
A l'époque, et les années qui suivirent, j'ai entendu pas mal de gens me dire un peu la même chose : que le film est inférieur au manga.
Depuis lors, quand quelqu'un s'étonnait que je n'aie pas vu le film, je répondais qu'il paraît qu'il est moins bien que le manga, blablabla...
Je ne sais pas pourquoi je suis resté sur cette idée fixe, car le film pouvait être cool aussi. Le DVD français est sorti chez M6 vidéo, assurant ainsi un produit jeune et cool, j'imagine.

Battle royale était en fait un livre au départ. Puis un manga. Puis un film.
Quel que soit le support, et les variations dans l’intrigue, le principe à la base reste le même : des élèves d’une même classe sont envoyés sur une île pour s’entretuer jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un seul survivant, dans le cadre de la loi "Battle royale".
Un texte en intro nous parle d’un chômage grandissant au Japon, entraînant un absentéisme accru chez les jeunes, et par conséquent une augmentation de la délinquance. C’est de là que naît le "BR act". C’est pas très crédible, et je ne vois pas en quoi faire s’entretuer des jeunes va les pousser à respecter les adultes ou quoi, mais aucune explication ne pourrait vraiment faire passer la pilule. Tant pis, le principe de Battle royale n’en est pas moins intéressant.
Les règles du "jeu" nous sont présentées de façon ludique tôt dans le film, avec une vidéo explicative assez comique (mais qui me pose finalement problème, tant cela fait intrus avec le reste du long-métrage) et, pour l’intérêt du spectateur, on a droit à une démonstration du fonctionnement du collier dont sont équipés chaque élève pour ne pas s’échapper de l’île, avant même que le jeu ne commence.
Les colliers sont équipés de bombes. C’est assez affreux, le gamin qui sert de démonstrateur malgré lui cherche de l’aide tout autour de lui, mais tous ses camarades le repoussent, de peur de mourir aussi.

Evidemment nous n’avons pas le temps, d’ici le début du jeu, de bien faire connaissance avec les personnages. Des flashbacks interviennent plus tard, pour développer certains personnages, créer de l’attachement, tandis que durant le jeu on voit des alliances se former entre ceux ayant des liens d’amitié.
Il y a des histoires assez tragique. Celle autour de Nobu, revenu à l’école pour ce qu’il croyait être un voyage de classe, ayant été invité par la fille dont il est amoureux qui, elle, regrette d’avoir causé la mort du garçon, sans savoir la raison pour laquelle il est revenu. En plus le professeur chargé du programme Battle royale a reproché à l’élève ce retour soudain, pensant y voir un signe d’égoïsme, étant donné qu’il ne venait plus en cours.
C’est plutôt bien pensé.
On a des couples qui se suicident.
Mais il y a des décès qui m’ont fait rire aussi. J’ai trouvé super ironique la séquence où deux filles lancent un appel pour que tout le monde arrête de se tuer, ce qui fait qu’elles sont repérées et… abattues. En plus de cela, le tueur fait preuve d’une sadisme réjouissant, quand il en shoote une dans le mégaphone. Tout cela arrive juste après qu’ait été dévoilé qu’une des filles craquait pour le héros.
Ah, j’aurais voulu que le film ait plus de moments de ce type-là. Comme le manga, si je me souviens bien.

De l’autre côté, on a Takeshi Kitano qui joue Kitano, un ancien prof aigri mécontent de ses élèves, qui se venge en dirigeant le Battle royale de cette année. Contrairement au prof du manga (et du livre, il semblerait), il n’est pas un gros méchant sadique, c’est un père de famille triste, détesté par ses enfants, qui a de l’affection pour une de ses élèves. J’aime bien en général quand on a des personnages de méchants nuancés, mais dans le cas présent ça me semble absurde qu’il puisse tuer aussi froidement des gens, et qu’il ait les skills pour lancer un couteau en plein dans le crâne de quelqu’un.
L’humour noir de Kitano pose aussi problème pour moi, c’est drôle sur le moment de le voir dire "today’s lesson is you kill everyone off until there’s only one of you left", mais le personnage me paraît encore moins cohérent.
Une autre caractérisation de personnage qui échoue un peu aussi selon moi, c’est celle de Kawada, qui dit vouloir survivre pour… résoudre le mystère du sourire de sa copine lorsqu’elle est morte. C’est formulé de façon si bête…

La mise en scène se montrait bien sympathique au départ.
Il y avait de bonnes idées. Le panoramique le long du message laissé par le pendu, jusqu’à ce que la caméra arrive sur le héros.
L’image floue qui suit le plan où un personnage est assommé, on croit à une représentation de l’état de KO du protagoniste, jusqu’à ce qu’on découvre que ce que l’on voit est le reflet de la lune sur les vagues autour de l’île.
Un truc tout simple, mais qui est un petit apport à la mise en scène : lorsque deux zones dangereuses sont à cocher sur la map par les personnages, la première zone on la voit notée sur la carte du garçon, la seconde sur celle de la fille à côté de lui. Je ne sais si on peut dire que cela lie les deux personnages, qu’ils se complètent, ou je ne sais quoi du genre, mais je trouve ce détail plus original que si on avait tout filmé avec un seule personnage.
Remarquons aussi les variations dans la façon de filmer une même action qui est répétée, lorsque tous les élèves récupèrent leur sac contenant arme et nourriture, au début du film.

Mais plus le film avance, et plus je voyais des défauts ternir tout ce qui avait de bien établi jusque là.
Il y a des séquences comportant un éclairage artificiel bien moche (bleu ou orange). Bizarrement, cette modification de l’image est appliquée à la fin d’une séquence autrement dotée d’un éclairage d’apparence naturel, créant un faux-raccord lumière fort étrange.
Des manques de logique se font de plus en plus apparents. Je n’ai pas compris pourquoi avoir décidé de faire que les personnages soient aussi résistants aux balles ; c’est tellement évident que ça ne peut être qu’une décision du réalisateur (Kitano criblé de balles qui se relève pour répondre au téléphone comme si de rien n’était, n’importe quoi), mais je ne comprends pas, car cet aspect grotesque n’est pas dans le ton du film.
Manque de logique aussi dans l’attitude de ce gamin qui hurle, tout content de sa geste pare-balles, sans s’assurer que celui qui a voulu le tuer soit bien parti. De même avec toutes les séquences de basketball, par la faute du réalisateur et du monteur : je ne comprends pas pourquoi le public acclame les joueurs même quand le ballon ne rentre pas dans le panier, ni pourquoi tous les spectateurs acclament unanimement une équipe, alors même qu’à leurs habits ils semblent en encourager deux différentes.

Le plus dommage, pour ce film tout de même très orienté sur l’action, c’est que les séquences de combat soient si mal filmées. Les actions et mouvements ne sont pas clairs, me suis posé à plusieurs reprises des questions comme "mais comment sa propre hache s’est plantée dans sa tête ?" ou "mais comment elle a fait pour planter cette faucille dans son cou, alors que je l’ai même pas vu sortir cette arme ?".
Les FX ne sont pas supers non plus ; des stratagèmes de mise en scène et de montage y pallient, mais pendant un certain temps seulement. Quand il n’y a pas usage de CGI, au bout d’un moment, on ne peut que remarquer que le gore se fait hors-champ, ou entre les coupes. C’est un comble, pour un film qui exploite tant la violence.
Dans le même genre : Quand j'avais lu le manga il y a 6 ans de cela, une des choses que je m'étais dit, c'est qu'il n'y avait sûrement pas toute cette histoire avec la "femme fatale" (pour ne pas dire "grosse salope") dans le film. C'était assez trash et, euh, graphiquement explicite.
Le personnage est là dans le film, avec sa fameuse faucille, mais elle ne se dénude nullement, et sa backstory est moins hard. Elle est tout de même décrite comme une fornicatrice par une autre élève, mais dans le film tout ce qui est un peu trashouillet n’est qu’effleuré du bout des doigts. On sous-entend seulement que la fille a couché avec deux autres mecs avant de les tuer (on les voit morts nus, et elle remet sa chemise).
Je me demande s’il n’y a pas quelque chose de similaire, cette envie de reprendre des éléments qui devaient être là à la base dans le bouquin mais sans trop le signifier pour ne pas choquer, quand on voit le suicide du père du héros. Sans raison apparente dans le film, on peut constater qu’il est pendu avec le pantalon baissé. Il s’est pris pour David Carradine ou quoi ? C’est bizarre que le réalisateur ait voulu retenir ce détail, sans qu’il n’y ait d’explication, probablement juste pour faire allusion à ce qu’il en est vraiment dans le livre.

C’est très étrange, ce qu’il se passe avec ce Battle royale. Je vois les choses ainsi : c’est un film d’action gore, du moins en apparence, réalisé par un type complètement extérieur à ce genre de cinéma.
Il y a beaucoup de maladresses, mais quelques bonnes idées, qui résident là où on ne s’y attend pas. Mais l’essentiel n’est pas là, pour un film présentant une dystopie où des ados livrés à eux-même se massacrent, Battle royale se montre assez timide et manque de réelle violence et de subversion.

EDIT :
Concernant le pantalon baissé du pendu :
http://www.imdb.com/title/tt0266308/board/thread/202895578
Fry3000
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le 8 août 2012

Modifiée

le 9 août 2012

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