Depuis que j'ai vu ce film il y a plus de 20 ans, j'ai toujours appelé les bull terrier des "Baxter". Et le plus fou, c'est que ça m'est resté. C'est dire l'originalité de ce film.
L'originalité ne vient pas de son propos : Les humains, privés d'amour ou d'attention, font n'importe quoi. Entre eux, l'incompréhension règne, etc. Ce qui est original, c'est d'abord ce parallèle qu'il fait avec la race canine qui a elle aussi besoin d'amour et de soin pour s'épanouir. Ensuite, l'originalité vient de la forme : ce constat est fait par un chien dont on entend les réflexions en voix off. Ses rencontres successives avec différents humains - La vieille recluse, les parents qui ne surveillent pas leur bébé, le gamin flippant qui préfigure le Benny d'Haneke, l'adolescente maltraitée (violée ?) par son père - vont permettre de dresser un portrait pessimiste de la race humaine.
La voix off de Baxter n'est pas une voix comique comme dans un dessin animé, mais celle d'un homme âgé, ce qui renforce l'aspect dérangeant du dispositif. Baxter nous scrute, nous analyse et nous condamne sans pitié, comme s'il avait des siècles d'expérience derrière lui. Mais Baxter est lucide, il se condamne aussi lui-même, dans sa faiblesse face aux humains. Il fait semblant, pour plaire ou arriver à ses fins. Il n'a aucun scrupule pour obtenir l'amour ou l'attention exclusive de ses maîtres :
Il élimine le bébé qui l'a relégué au second plan, en profitant du manque de surveillance des parents inexpérimentés; il élimine la vieille recluse qui le garde prisonnier.
Il s'identifie d'abord fortement à son jeune maître (le proto-Benny) autoritaire qui tente de le dresser pour tuer,
mais refusera de lui obéir au moment de tuer "sans motif". Tuer pour le plaisir n'est pas dans ses gènes.
Baxter a des principes et ça lui coûtera cher.
Cette fable à l'humour noir grinçant n'a rien de manichéen, mais elle est radicale dans son pessimisme, comme en témoigne sa fin qui fait froid dans le dos.