Singapour, ses gratte-ciels, ses bureaux, sa choucroute... Cinématographiquement, ce nom ne nous évoque pas de souvenirs impérissables.
Mais désormais, grâce à Eric Khoo on s’en rappellera, et de fort belle façon.
« Be With Me » est un futur classique du cinéma du sud-est asiatique. Loin des films de boxe thaï avec acteurs estropiés à vie ou des longs-métrages prétentieux avec plans fixes interminables sur tiges de bambous, cette œuvre d’une maturité et d’une simplicité confondante saura vous toucher profondément pour peu que vous ayez un zest de sensibilité.
Après cinq courts-métrages et deux longs, dont « 12 Storeys » en 1997, ce réalisateur n’avait pas tellement fait parler de lui. A l’aide de son co-scénariste et après avoir rencontré son actrice principale lors d’un diner, Eric Khoo termine l’écriture de son scénario sur lequel il planchait depuis plus d’un an, et tourne le film en seulement 16 jours.
Une œuvre mûrement réfléchie, donc, mais tournée sans fioritures ni budget à rallonge pour un résultat final d’une richesse extraordinaire.
« Be With Me » nous parle de solitude, de deuil, de mort, mais surtout d’amour et d’espoir, et c’est probablement l’une des raisons qui le font surnager loin au-dessus des autres productions intimistes évoquant les mêmes thèmes : un équilibre délicat et permanent entre pessimisme et optimisme qui empêche le film de sombrer dans le pathos ou bien encore dans la guimauve.
On sourit souvent en regardant ce film, mais on pleure aussi, Eric Khoo réussit à nous emmener loin à l’intérieur de nous-même, par petites touches fugaces et en apparence anodines.
Composé de trois histoires s’entrecroisant, et pratiquement sans dialogues, le film met en scène plusieurs personnages différents mais pourtant liés par une solitude écrasante.
L’agent de sécurité, amoureux transi et martyrisé par ses proches se réfugie dans la nourriture et tente d’écrire une lettre à une femme inaccessible.
La jeune fille à la recherche de son âme sœur reste scotchée à son téléphone portable, meurtrie par un amour unilatéral et sans lendemain.
Le vieil homme, noyé par le chagrin, cherche son épouse défunte du regard et n’a plus goût à la vie.
Enfin, le personnage-phare du film, Theresa Chan (dans la vie comme à l’écran), aveugle et sourde depuis l’enfance, illumine le film et transforme la tristesse en espoir par sa force et son courage hors du commun.
« Be With Me » n’est pas un film joyeux ou amusant, mais vous n’en ressortirez pas le moral à zéro, bien au contraire. C’est une œuvre profondément positive et saine, et, de plus, filmée avec une grande pudeur.
On pourrait parler des heures de ce film, du rôle de la nourriture en tant qu’élément salvateur, ainsi que d’internet et des SMS, (utilisés ici bien plus judicieusement que Jia Zhang Ke ne l’a fait dans « The World »), mais le mieux est encore de vous procurer le DVD d’urgence.