Be with me est un film de prime abord difficile à appréhender : un récit éclaté, une suite de saynètes suivant différents personnages sans rapport entre eux, une absence totale de dialogue ou presque, une lumière sous-exposée. On observe là des vies placées sous le signe de la solitude, du manque et de l'incommunicabilité. Même deux adolescentes qui tombent amoureuses ne le font qu'à travers leur téléphone portable. Un amour qui ne devient réel qu'un temps éphémère et qui s'arrête net (la différence de classe sociale a peut-être tué dans l'oeuf cet amour aussi naissant que puéril) : dès lors, celle qui a largué l'autre ne répond même plus aux SMS désespérés de son ancien amour.
Et puis, Be with me s'intéresse à un personnage que l'on suivait parmi les autres, Mme Chan, une vieille femme que l'on savait depuis le début aveugle et que l'on découvre sourde également. Le film bascule dans le documentaire car cette Mme Chan existe, c'est elle que l'on voit, c'est elle et son journal qui a inspiré à Eric Khoo son film. Mme Chan se raconte, par l'intermédiaire de l'écrit ; une vie faite de malheurs successifs mais une femme qui a su faire face, rebondir même et trouver dans sa vie des sources de bonheur. Le film met l'accent sur l'importance pour elle de la nourriture, de l'odeur, du goût, les sens qui lui permettent d'entrer en contact avec le monde. Ce témoignage poignant remet en perspective le destin des autres personnages, valides, et qui sont murés dans leur incommunicabilité. Une vraie leçon de vie qui atteint un sommet d'émotion (muette) quand Mme Chan prend dans ses bras un vieux monsieur qui a perdu sa femme. C'est elle qui console et c'est finalement bouleversant.