Premier contact
Vous avez peut-être vu dans une autre vie, "Rock Pretty Baby" (1956) avec Sal Mineo, John Saxon et Luana Patten ou "Gidget" (1959) avec Cliff Robertson, James Darren et Sandra Dee! Avec "Beach Party"...
Par
le 31 janv. 2022
3 j'aime
Petite production inconséquente mais sympathique, Beach Party a pourtant marqué de sa petite empreinte dans le sable l’histoire du cinéma.
Commandé par American International Pictures, société de production omniprésente dans les films à petits budgets entre 1954 et 1979, le succès du film fut tel qu’il connut 11 suites en 5 ans (!), en changeant plus ou moins -mais moins que plus- la formule. D’autres studios tentèrent de copier celle-ci, au point qu’on attribue à ce Beach Party la création d’un sous-genre bien spécifique, le « beach party movie », même s’il y avait eu quelques précurseurs.
Ces films sont destinés au public adolescent, les personnages principaux sont jeunes et fougueux, avec les préoccupations de leur âge, la fête et la romance. On y retrouve une musique rock, joyeuse et rythmée, comportant aussi des chansons pop ou de la surf music.
Le cadre est ensoleillé, il sent bon le sable fin et l’eau de mer car comme l’évoque son nom, la plage n’est jamais loin. Théâtre des retrouvailles, des fêtes et des baisers parfois cachés, mais aussi de quelques disputes. Le surf est la discipline reine, popularisé dans les années 1950 et 1960 par de nouvelles matières qui vont en révolutionner la pratique.
Plage et soleil excitent bien sur les désirs de ces adolescents, la sensualité est bien sûr un peu démodée mais la chair ainsi découverte a pu faire râler quelques vieux conservateurs. Sans être trop démonstratifs dessus, la sexualité est avant tout implicite, dans les dialogues et les sous-entendus.
Et la conséquence de ce cadre ensoleillé et de ces comportements adolescents légers, c’est bien sûr le ton, léger et drôle, sans grande profondeur. Aussi plat qu’une carte postale, mais le recto est joli, et cela amuse, cela distrait.
Tout cela, ce Beach Party qui a lancé cette mode évidemment le contient. Pour autant, malgré des attentes assez basses pour ce genre de films qui ne prétend rien révolutionner, le film comporte quelques éléments assez intéressants.
Il adopte une idée assez stimulante pour mieux se présenter. Il est bien question d’un groupe de jeunes adolescents réunis à la plage, dont Frankie et Dolores sont le couple principal. Pour autant, leur histoire principale, à base de jalousies et de séductions d’autres personnes afin que l’un et l’autre se rapprochent reste peu intrigant. En 1963 comme en 2022 c’est le plus souvent une idée mal utilisée.
Ce qui est plus intéressant est le regard d’un adulte sur ce petit monde, l’anthropologue Sutwell avec ses manières un peu guindées et un certain enthousiasme qui décide aux débuts de les observer pour mieux les comparer aux tribus primitives. L’humour reste amical, bien que taquin, de quoi satisfaire aussi bien un public plus jeune ou plus âgé. D’autant plus que Sutwell va se retrouver immergé dans ce petit monde, introduit par Dolorès qui voudrait bien rendre jaloux Frankie, d’abord moqué puis finalement accepté grâce à sa participation dans un combat de motards plus bêtes que méchants.
Robert Cummings incarne à merveille cet anthropologue un peu âgé, curieux et à la fois pincé et fantasque. Sa petite étincelle dans le regard n’a peut-être rien de naturel (quelques problèmes de drogue à cette époque, mon petit doigt m’a dit) mais il fait des merveilles. Cette ancienne gloire de l’âge d’or d’Hollywood avec Dorothy Malone (excellente) qui joue son assistante plus maligne que lui témoigne aussi d’un casting assez soigné, ou à défaut aux célébrités assez évocatrices pour les adolescents de l’époque. Dolorès est ainsi jouée par Annette Funicello, égérie des studios Disney. Son petit ami est incarné par Frankie Avalon, chanteur et acteur populaire.
Et même si le soleil n’est pas éclatant, que le ciel n’est pas si bleu, plus probablement à cause d’un tournage dans des conditions pas assez estivales plutôt que la pellicule Pathécolor qui en serait en cause, le film se révèle tout de même assez bien troussé. Le film est réalisé par William Asher, considéré comme l’un des meilleurs réalisateurs pour la télévision. Il obtiendra un Emmy l’année suivante pour Ma Sorcière bien-aimée. L’ensemble est quand même bien filmé, sans grandes imagination mais avec un certain soin à ne pas montrer les faiblesses d’un budget limité, à assurer que l’image reste acceptable. On pourra nourrir quelques sourires moqueurs devant certains effets, comme quand le film essaye de prétendre que ses acteurs font du surf, mais d’un autre côté il propose aussi de beaux plans de (vrais) surfeurs sur les vagues.
La musique est à cette image, juvénile et entraînante, facile et jamais subversive, pour montrer tout l’éclat de cette jeunesse. Elle est composée par Les Baxter, célèbre à l’époque pour avoir créé l’exotica, musique populaire de l’époque qui mélange pop et instruments tribaux. Frankie Avalone interprète plusieurs chansons, tandis que Gary Usher and Roger Christian qui ont écrit plusieurs titres des Beach Boys ont travaillé sur trois chansons. Dick Dale and the Del Tones, groupe fondateur de la surf music en interprète d’ailleurs deux dans le film. Tout est donc fait pour offrir une bande son qui colle bien avec le film, plaisante et ensoleillée.
Cet effort dans la mise en forme et ses quelques personnages amusants permettent au film de ne pas trop vieillir, et d’être encore regardé et apprécié pour ces qualités mais aussi sur ce regard un peu désuet sur la jeunesse de l’époque. Avec toutefois une petite moue dubitative sur certains standards de l’époque, et notamment le regard sur la fidélité selon son sexe. Dolores est plus mal vue que Frankie pour « tricher », tandis que la « fausse » compagne de Frankie est moquée, alors que c’est bien lui qui joue avec elle pour créer la jalousie. Dans sa chanson « Treat him nicely » c’est même Dolores qui s’en veut, la morale étant qu’il faut bien s’occuper de son homme. Et tant pis si Frankie est un petit con. Il est plus valorisé pour un homme d’être infidèle que pour une femme. D’autres personnages féminins sont un peu plus libres ou plus intéressants, mais Frankie et Dolores représentent tout de même le couple phare, l’exemple à suivre. Dommage que leur histoire ait si mal vieilli.
Beach Party aura donc la paternité d’un genre qui explosera pour mieux disparaître à la moitié de la décennie. Certes, la recette a été surexploitée. Mais les années 1960 avec la contre-culture, le mouvement hippie et les remous sociétaux avaient un peu perdu le goût pour ces plaisanteries juvéniles ensoleillées mais sans fond.
Néanmoins, de temps à autre, le genre refait de petites apparitions, pas toujours bien réussies d’ailleurs. Parmi les quelques clins d’oeil qui témoignent d'un certain hommage, Tom Hanks en fait un dans son premier film (réussi), That Thing you do, où le groupe fictif du film qui se déroule en 1964 doit jouer dans un beach party movie pour assurer sa promotion.
Créée
le 8 sept. 2022
Critique lue 89 fois
13 j'aime
5 commentaires
D'autres avis sur Beach Party
Vous avez peut-être vu dans une autre vie, "Rock Pretty Baby" (1956) avec Sal Mineo, John Saxon et Luana Patten ou "Gidget" (1959) avec Cliff Robertson, James Darren et Sandra Dee! Avec "Beach Party"...
Par
le 31 janv. 2022
3 j'aime
Du même critique
La Culture est belle car tentaculaire. Elle nous permet de rebondir d’oeuvre en oeuvre. Il y a des liens partout. On peut découvrir un cinéaste en partant d’autre chose qu’un film. Je ne connaissais...
le 2 avr. 2020
50 j'aime
13
Le film adaptant le comic-book culte de Brian aura pris son temps avant d'arriver en France, quatre mois après sa sortie aux Etats-Unis tandis que le Blu-Ray est déjà sur les rayons. Pourquoi tant de...
le 5 janv. 2011
44 j'aime
12
En 2015, adaptant le comic-book de Mark Millar, Matthew Vaughn signe avec le premier KingsMan: Services secrets une belle réussite, mêlant une certaine élégance anglaise infusée dans un film aux...
le 30 déc. 2021
39 j'aime
12