"Il ne s’agit pas de cette cruauté que nous pouvons exercer les uns contre les autres (…) mais (…) celle beaucoup plus terrible et nécessaire que les choses peuvent exercer contre nous. Nous ne sommes pas libres. Et le ciel peut encore nous tomber sur la tête. Et le [cinéma] est fait pour nous apprendre d’abord cela"
Antonin Artaud
Beau is afraid, dès sa première séquence m'évoque le théâtre de la cruauté, une tentative d'appeler directement à ce qu'il y a de plus primaire chez le spectateur, de court-circuiter l'intellect pour directement créer l'émotion.
Je me dis aussi qu'il faut le voir au cinéma et que ça ne rendra jamais de la même manière sans les baffles stéréos qui t'envoient ces claques et ces éclairs lumineux. Ça a à peine commencé que c'est déjà la guerre, c'est déjà une agression.
C'est le message d'Ari Aster dès le départ : la naissance est une souffrance, la vie est agression de la conscience. C'est son message d'intro, ça donne le ton pour le reste du film.
Beau a peur, mais il a bien raison d'avoir peur.
Bon, je vais commencer à rentrer dans le lard, si vous ne cherchez pas des spoils, passez votre chemin.
Tout est minutieusement composé. Chaque scène, chaque plan regorge de détails, de personnages secondaires. Ari Aster réutilise des codes du film d'horreur pour créer ce sentiment de malaise au cours du film, pour créer la confusion que Beau et nous subissons.
Le film joue en effet sur deux tableaux : d'une part c'est un objet cinématographique viscéral qui cherche à nous mettre au diapason de la souffrance et de l'anxiété du personnage principal, d'autre part Ari Aster cherche à rire avec nous. Il joue sur des retournements de situations, des situations absurdes et quelques gags.
Paradoxalement, le film est beaucoup plus interessant en terme de propositions qu'en terme de résultats, car de mon point de vue, il traine en longueur. Certaines séquences sont un peu trop longues (l'intro à NYC, une partie de la pièce de théâtre, le procès) et je n'ai pas beaucoup d'empathie pour cet homme pétrie par ses peurs. On a aussi des éléments fascinants qui marchent bien comme le grenier, l'idée de surveillance, la relation mère-fils ...
Le tout a l'air de s'emboiter, presque chaque pièce est à sa place, si ce n'est peut-être le monstre pénis. C'est dommage ce monstre pénis, je comprends la volonté comique mais ça n'a pas vraiment marché pour moi.
Je suis heureux de l'avoir vu.
On vit quelque chose. Un moment de cruauté bourré de bonnes idées mais qui traine en longuer.