L'année (1981) de sa sortie, "Beau-père" est encore de l'ordre du sujet tabou, donc casse-gueule : amour entre un homme d'âge mûr et une ado.
Il fallait le culot de Bertrand Blier pour s'y coller !
Et quoi ? Il signe un flm admirable, tout en pudeur, sensualité et délicatesse. Jamais scabreux, racoleur, vulgaire... Ce qui n'est pas le moins surprenant de la part de l'auteur des "Valseuses" !
Un accident de voiture tragique et Rémi, le beau-père en question (Patrick Dewaere) et Marion (Ariel Besse), 14 ans, se retrouvent privés de la femme aimée pour lui ; de la mère indispensable pour elle.
Passés le désespoir et le malentendu avec le vrai père, que sa fille a repoussé, la vie reprend peu à peu ses droits, mi-bohème mi-galère. Lui donne des cours de piano. Elle fait du baby-sitting le soir.
Leur frêle équilibre vole à nouveau en éclats quand elle avoue être amoureuse de lui, coupant net le lien père-enfant. Multipliant les avances, usant sans faux-semblants de sa féminité toute neuve, elle s'offre totalement. Toute en pureté juvénile, elle n'a même pas conscience des barrières morales qui les séparent, à commencer par l'âge. Lui, si ! Il réagit d'abord en faisant tout pour rester dans son rôle.
Paradoxalement, c'est le jour où ils se séparent que Rémi finit par céder à Marion, incarnation parfaite du charme discret... de l'adolescence !
Leur histoire charnelle, cet homme et cette (presque femme) vont la vivre. Pleinement. Naïvement. Intensément. Et sa sincérité touchante est liée avant tout aux interprètes. En ce qui concerne Patrick Dewaere, Blier a eu l'idée de génie (comme Sautet avant lui pour "Un mauvais fils") de le faire jouer à contre-emploi. Tout en retenue, nuances subtiles, alors que cet acteur sidérant, bien trop tôt disparu, était un phénomène d'exubérance naturelle. Ariel Besse, parfaite inconnue, est magnifique de vérité dans les élans du coeur et du corps des filles de son âge.
Dans la famille des films qui bousculent les conventions corsetées, "Beau-père" est un pur bijou !