Film poétique, du fragment, des sens, de la grâce, Beau Travail marie intelligemment beauté visuelle et récit lacunaire, virilité masculine et sensualité, simulacre de guerre et amours artificielles.
La première qualité qui ressort de ce long-métrage de Claire Denis (l'un de ses meilleurs, sans aucun doute) est bien sûr la photo. Signée Agnès Godard, elle se verra récompensée par un César de la meilleure photographie en 2001 grâce au beau travail sur les couleurs (le bleu du ciel, le blanc du désert de sel, les néons dans les discothèques, …), la géométrie des formes (dans le camp d'entraînement surtout) et les corps.
Concernant ce dernier point, Claire Denis réussit à magnifier ces mâles virils, puissants et athlétiques tout en nuançant cette masculinité en les montrant aussi dans les corvées ménagères (repassage, balayage, vêtements à sécher, patates à éplucher, …), souvent vêtus de courts shorts moulants très gay friendly. Outre par l’œil d'A. Godard, ces corps sont mis en valeur par le travail du chorégraphe B. Montet, à qui Claire Denis a fait appel, apportant ainsi une touche supplémentaire de créativité, d'art et de grâce.
Enfin le récit montrant un Denis Lavant, adjudant-chef, tourmenté, anéanti par la perte de son poste, perdu dans le présent, tiraillé entre des bribes de souvenirs aigres-doux est le prétexte pour révéler le microcosme fascinant quoique vain de tous ces légionnaires égarés dans l'espace (près des déserts éthiopiens), le temps (ambiance coloniale d’antan) et le sens (pourquoi tout cette préparation militaire?).
Au final, un film très élégant, subtil et d'une grande inventivité.