Improbable projet entre deux volets d'Avengers, le maître des Séries-TV des années 90 à piqué la curiosité en ce début d'année. En noir & blanc réalisé par le papa de Buffy et interprété par une partie de son casting. Difficile de savoir à quoi s'attendre avec ce film indépendant. Le raccourci serait de dire qu'il s'agit d'un mélange du visuel de Frances Ha, de l'idée d'adaptation de Romeo + Juliet avec une note d'ambiance à la Woody Allen. Vision très personnelle et réductrice pour un film plus singulier que cela.
Comme l'avait fait Baz Luhrmann, Joss Whedon transpose un texte d'époque dans un décors contemporain. Pari risqué qui a viré au génie dans la version Pop de Roméo & Juliette. Malgré une photographie très belle, on est loin de la claque visuelle donnée par l'australien. L'adaptation est moins chiadée que celle de Baz Luhrmann et on surf sur une incohérence temporelle dont il faut faire abstraction tant elle s'inscrit dans le bon absurde du film. Il ressort de cet anachronisme des idées amusantes et des mises au goût du jour de faits vieux comme le monde.
Ici encore la mise en scène garde une grande inspiration théâtrale. L'humour vaudevillesque qu'amène le texte fonctionne à merveille, c'est finement drôle. Le summum du burlesque se cache derrière les scènes d'écoutes où Amy Acker et Alexis Denisof se prennent dans un faux espionnage. Le texte du dramaturge anglais est une fable familiale qui embarque dans sa démesure. Cette mise à l'écran renvoi plus aux premières œuvres de Pier Paolo Pasolini (ou au cinéma new-yorkais des années 50-60 : Cassavetes, Allen) qu'à une pièce de Boulevard. Au delà d'un travail sur le noir & blanc un peu évocateur, "Accattone" et "Mamma Roma" par ses histoires de famille montaient autant en puissance dans le resserrement des liens.
Décidément le gris n'est pas morose. Après "France Ha", "Beaucoup de bruits pour rien" peint encore des personnages hauts en couleurs, en noir & blanc. Ce choix créer une ambivalence troublante mais intéressante, entre une rénovation et un vieillissement. Moderne dans le contexte et le décors, ancestral dans le texte et l'image. Quelque soit les motivations de ce choix ça semble une évidence tant c'est réussi artistiquement. Superbe photographie pleine de dimension et de sensualité.
Beau cadrage des corps féminins habillés finement. Des jeux de jambes esthétiques, numéro de trapèze pour preuve. Et Amy Acker enfin en amont.
Elle ouvre joliment le film, drapée voluptueusement, regardée amoureusement. Les secondes mains de la franchise Buffy/Angel prennent les devants. Alexis Denisof (Wesley), Nathan Fillion (Caleb), Tom Lenk (Andrew) et Amy Acker (Fred) sont tous surprenant dans ce registre complètement différent. Clark Gregg (Avengers et Agents of SHIELD) aussi signe sa fidélité avec un contre-pied et il est très drôle.
"Beaucoup de bruit pour rien" est une petite escapade d'un génie de l'action-fantastique dans l'univers lyrique-tragique de Shakespeare. Il y donne un ton de cinéma indépendant new-yorkais. Beau, fît contre toute attente.