Pietro Germi explore dans L’Immorale les paradoxes de la société bourgeoise. Fidèle à son habitude, il mêle satire sociale et drame intime, tout en dénonçant les tabous de l’époque, en particulier ceux liés à la sexualité et aux relations de pouvoir dans le couple.
Incarné par un Ugo Tognazzi en grande forme - quoique surjouant parfois sa nervosité et sa bienveillance – Sergio, rejeton du boom économique, homme insatiable voulant posséder tout, mène une double - et même triple – vie. Or, plutôt que de choisir entre ces vies, Sergio les embrasse simultanément, jonglant entre amour sincère, mensonges quotidiens et situations absurdes, finissant toutefois par se perdre dans un tourbillon de rendez-vous, d'appels téléphoniques, d'anniversaires et d'enfants. Cependant, Sergio n'y est pas présenté comme un simple séducteur : il est à la fois victime et complice d’un système qui l'encourage à tout vouloir — et à tout prendre — sans se soucier des conséquences.
Germi, connu pour son humour noir, ne le condamne pas tout de suite : il expose ses contradictions avec un mélange de dérision et de compassion, s’identifiant sans aucun doute au personnage qu’il a dû animer de problématiques personnelles. Il dépeint surtout une Italie en pleine transformation, où les valeurs morales traditionnelles de la famille et du mariage sont confrontées à la montée des aspirations individuelles et des désirs personnels.
Malgré l’audace de la réflexion et le regard critique sur le matérialisme, Germi peine à dénoncer, à provoquer le rire et à intéresser le public qui n’éprouve guère de proximité affective avec son protagoniste. Sans compter qu’au bout d’une quinzaine de minutes, la suite du film devient assez prévisible, si bien que le scénario tourne en rond et que le quotidien extraordinaire de Sergio ne nous émeut et ne nous intéresse que trop peu.