Après le film Pee Wee Big Adventure, le réalisateur gothique et mélancolique Tim Burton revient en 1998 avec son deuxième film, le culte Beetlejuice qui marquera la naissance d’une des premières caractéristiques des films du réalisateur : l’humour noir et décalé. Beetlejuice c’est une comédie à l’humour noir nous racontant l’histoire de deux jeunes mariés décédés dans un accident de voiture qui deviennent des fantômes. Condamnés à rester plus d’une centaine d’années dans leur maison de vacances, ils sont confrontés à de nouveaux occupants pas très respectueux de la maison qu’ils avaient décorés. Bien décidés à les faire fuir ils tentent d’hantés les lieux mais sans succès. C’est alors qu’ils font appel à un bio-exorciste connu sous le nom de Beetlejuice. Adam et Barbara peuvent-ils lui faire confiance ? Au programme de notre film, maison hanté, revenants, humour noir subtil, fantastique, croque-mitaine grossier et crado, possession de corps, ambiance macabre, tendresse d’un couple aimant par delà la mort, effets spéciaux spectaculaires, musiques aux sonorités parfaites de la maison hantée, personnages caricaturaux, esthétisme gothico-punk, prêt à plonger dans une aventure horrifique mais totalement déjantée ? Appelez-le une fois, appelez-le deux fois, appelez le trois fois, vous ne serez pas déçus. Beetlejuice, Beetlejuice, Beetlejuice !
Cauchemar de l’enfance
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il fallait d’abord vous rendre un petit témoignage. Beetlejuice, après avoir sorti le film, sortait un dessin animé avec encore Tim Burton aux commandes et Danny Elfman toujours à la musique. Dessin animé qui était diffusé en 1990 sur Canal plus dans l’émission Décode pas Bunny. 4 saisons et 94 épisodes au total. Un épisode durait une vingtaines de minutes. Cette série animée se plaçait en continuité du film. Beetlejuice était devenu ami avec la petite Lydia qui, pour tromper l’ennui, suivait le fantôme dans son monde pour vivre de folles aventures.
Beetlejuice c’était un dessin animé que j’affectionnais tout particulièrement mais dont le générique avec cette musique d’outre tombe tout comme le visage aux traits démoniaques me terrifiait voir hantait mes rêves la nuit. Obligé de se cacher dans la cuisine au moment où la musique se faisait retentir, Beetlejuice m’a marqué. Et pas dans le bon sens du terme. Je ne vous parle même pas du jour où, à l’âge de 14 ans, en voyageant aux Etats Unis et visitant le parc d’attractions Universal Studio j’ai vu mon pire cauchemar se réaliser. Tiens, qui voila lors de la parade ? Beetlejuice. Obligé de se terrer dans une boutique le temps que le personnage passe « oui, il venait à la rencontre des visiteurs et enchainait les pitreries », j’en étais arrivé là. Tout ce qui touchait se personnage me terrifiait, comme s’il existait vraiment. Le bougre avait même droit à son spectacle dans le parc : « Beetlejuice's Rock and Roll Graveyard Revue » où des monstres tel que Dracula, Frankenstein se joignaient à lui dans un spectacle où se mêlaient danses, chansons de la culture pop, petits monstres de toute sorte, effets de lumières, explosions avec un Beetlejuice se déplaçant dans le public pour taquiner les visiteurs.
Les années passent, je découvre pour la première fois la version filmique. Même constat, le personnage me fait rire mais j’en est vraiment peur. Ce ne sera que vers mes 18 ans que le cauchemar sera terminé. Beetlejuice fait parti maintenant de ses films que j’affectionne particulièrement. Pire, je ne m’en lasse pas. Même si par le passé il hantait mes nuits, maintenant, je le prends d’une toute autre manière et pour ce qu’il est dans notre film : un personnage tout simplement comique et inoffensif enchainant les gags. N’oublions pas cette citation : “Fais ce qui t’effraie, et la peur disparaîtra.” On pourrait la remanier et plutôt dire : « Regardes ce qui t’effraie et la peur disparaitra ». Personne n’oblige à regarder ses films mais avouons-le, c’est libérateur de ne plus être terrifié par un personnage de film et se rendre compte qu’il n’y avait rien à craindre. Vous le verrez, Beetlejuice est une perle du cinéma fantastique. A la fois subtil et magnifiquement interprété.
Dans l’ambiance dès le générique
Beetlejuice est ce genre de films qui vous amuse autant que d’aller dans un parc d’attractions. Ce qui sera amusant dans notre film c’est qu’en plus de nous offrir une pléiade de bonnes idées, de gags, de répliques hilarantes et de décors exceptionnels, c’est que Tim Burton jouera sur le mystère du personnage de Beetlejuice. On ne le verra physiquement qu’au bout de 45 minutes. Rassurez-vous, le plaisir ne sera que meilleur et le fait de l’entrevoir par moments quelques minutes avant permettra de garder la surprise jusqu’au bout. Notre film commence de façon astucieuse en nous faisant parcourir une route nous amenant sur les lieux de notre intrigue, le tout accompagné par le thème musical, plutôt thème d’ouverture de notre film.
Notre musique commence d’ailleurs de façon intéressante, nous plongeant dans un tout autre monde, une toute autre dimension. Quelques petits coups de sommation instrumentale, la voix de chœurs se faisant par la suite retentir, quelques notes de piano, puis les instruments à cuivre se joignent aux autres pour nous offrir une musique sautillante donnant cette impression d’être à la fois un film de fantômes et à la fois du cirque. On pourrait d’ailleurs très bien séparer la musique en deux. La première partie est une musique venant d’outre tombe, la seconde, plus comique. C’est là que le spectateur se rend compte qu’il ne va pas être effrayé par ce film, il va rigoler.
« Barbara, on est morts, c'est plus la peine de s'prendre la tête avec
les choses matérielles ».
Plongez dans l’univers déjanté et coloré de Beetlejuice
Nous atterrissons chez les Maitland, un couple de jeunes mariés aimant vivant dans une jolie maison. Ce couple respire la joie de vivre, il s’aime. Nous venons à peine de faire leur connaissance que les deux jeunes gens, respirant pourtant la bonté, sont victime d’un accident de voiture stupide causé par un petit chien. Nous ne savons pas s’ils sont en vie ou non mais la scène suivante, nous voyons rentrer chez eux. Le couple ne se rappelle absolument pas comment il a pu revenir dans sa demeure. C’est alors qu’en tentant de retourner sur ses pas, Adam Maitland se retrouve dans une autre dimension en voulant sortir de sa maison. Il est sauvé in extrémis par sa femme alors qu’il allait se faire attaquer par une sorte de monstre de sable fonçant sur lui. De nouveau chez eux, Barbara et Adam se rendent compte qu’ils ne voient plus leur reflet dans la glace et qu’un étrange livre intitulé Manuel pour personnes décédées a été déposé sur une table. D’où vient-il ? Et si les Maitland n’avaient pas survécus à l’accident ?
Même s’ils font comme s’ils étaient encore en vie en continuant, comme si de rien n’était à vivre comme des humains, les choses se bousculent à l’extérieur. Une nouvelle famille emménage dans la maison et commence à redécorer tout l’intérieur. Puisqu’ils sont des fantômes, Barbara et Adam tentent par tous les moyens d’effrayer les nouveaux occupants. Petit problème, puisqu’ils sont morts, la nouvelle famille ne les voit pas. En lisant le manuel qu’il a reçu, le couple qui a vraiment besoin d’aide, parvient à rencontrer Junon, une superviseur là pour évaluer les cas individuels et ensuite déterminer s’ils ont besoin de son aide ou non. Etant submergée de travail, elle les conseille de bien étudier le manuel afin de réussir par leur propre moyens à faire fuir cette nouvelle famille.
Pendant la conversation, Barbara fait part à Junon de son idée de prendre contact avec Beetlejuice, un fantôme qui pourrait être capable de les aider. Junon, qui a bien connu cet homme, qui avait travaillée avec lui par le passé les avertis de ne surtout pas lui faire confiance. Seulement, Beetlejuice, qui c’est déjà installé chez les Maitland en se miniaturisant et construisant sa demeure dans une maquette miniature de la ville est de plus en plus encombrant et cherche par tous les moyens de revenir à la surface. Il faut simplement prononcer son nom trois fois de suite. Les Maitland réussiront-ils à faire fuir les Deetz ou seront-ils obligés de faire appel à se bio-exorciste prétendant pouvoir chasser les vivants ?
« Ah le journal de l'après-vie, j'commence à en avoir ras-le bol du
serpent de sable. Bon, ben il faut que j'me trouve un job, voyons les
p'tites annonces. Ahhh j'annonce la rubrique nécrologique. Y'a des
nouveaux morts dans la région. Trop mignon ce petit couple, et ils ont
l'air bien crétin aussi. Héhéhéhé... »
Comédie fantastique et délirante signée Tim Burton
On a faillit échapper au film d’horreur puisqu’au départ, la version du scénario avait été conçue de sorte à faire de Beetlejuice un film horrifique. L’accident de voiture des Maitland devait être violent. De plus, d’autres scènes montraient que Beetlejuice n’était pas du tout le gaffeur, manipulateur, menteur, répugnant et pervers de la version définitive. Dans la version originale, il était censé être un vrai meurtrier voulant assassiner les Deetz au lieu de leur faire peur, violer la petite Lydia au lieu de vouloir se marier avec elle dans la vraie version et prendre la forme d’un démon ailé détruit heureusement grâce à un rituel. Là, on aurait eu une bonne excuse pour faire de vrais cauchemars. Ce sera grâce à Tim Burton, qui voulait que son film est un ton comique, que nous aurons le droit au film que l’on connait. D’ailleurs, selon le réalisateur, son film est une parodie du film L’exorciste.
« Beetlejuice le bio-exorciste. Des conflits avec les vivants ? La
mort est un problème plutôt qu'une solution ? Déçus par l'éternité ?
Des difficultés d'adaptation ? Appelez Beetlejuice ».
Dans notre film, humour et fantastique se mélangent de manière habile, subtil, pour notre plus grand plaisir. L’après vie ressemble à un grand complexe avec une salle d’attente où les nouveaux morts attendent très longtemps avant qu’on s’occupe d’eux « comme quoi les services administratifs sont encore plus déplorables même lorsque l’on est décédé ». Même si les décors sont du carton pate très visible, que les effets spéciaux sont kitsch, cela apporte beaucoup de charme au film qui est, tout comme son esthétisme, volontairement kitsch. Univers morbide tout en étant joyeux, comique avec un humour noir qui passe bizarrement comme une lettre à la poste, Beetlejuice se l’a joue même par moment poète. C’est ce qui fait tout le charme aussi des œuvres de Tim Burton. Malgré l’ambiance gothique et un peu déprimante ce cache toujours quelque chose de joyeux et rempli d’espoir.
« Si j'te dis qui je suis, tu vas l'répéter à tes copains et j'vais
tout le temps les avoir au téléphone, on va me demander de passer à la
télévision, de signer des autographes, les filles vont s'arracher mon
peignoir ça va être l'enfer ! 'Fin tu vois c'que j'veux dire, l'enfer
! »
Chaque scène, chaque plan, est une nouvelle trouvaille, regorge toujours de détails savoureux. Un grand bravo aussi pour la conception des costumes et le travail du maquillage des personnages, surtout les morts. Que dire de la séquence de la salle d’attente où toutes les personnes récemment décédées attendent qu’on s’occupe de leur cas. C’est là que l’on voit l’imagination débordante de Tim Burton, là que l’on voit le génie créatif de cet homme, là que l’on voit que c’est ça le cinéma, l’imaginaire, la création. Le réalisateur parvient à gérer ces deux dimensions : le monde des vivants et le monde des morts. Résultat, il donne vie à cet univers original bien plus cohérent qu’on pourrait le penser.
Faites la connaissance d’un esprit complètement frappé
Quand c’est n’est pas du coté de l’esthétisme, c’est aussi du coté de la critique de l’humanité.
Adam et Barbara sont un couple d’authentique campagnard gentillet vivant dans leur monde tout rose. Ils avaient une vie parfaite, malheureusement un sort funeste les attendra lorsqu’en en voulant éviter d’écraser un chien, Adam et Barbara seront victime d’un accident de voiture qui leur sera fatal. Devenu des fantômes, ils tenteront de faire fuir les nouveaux propriétaires de leur maison dont ils avaient mis beaucoup de temps et d’amour à décorer. Seulement leurs tentatives seront vaines, pire, elles attiseront la curiosité de cette nouvelle famille.
Les Deetz, eux, sont stupides, méprisants, irrespectueux, excentrique et snob. Toujours accompagnés par Otho, leur décorateur, un homme lui aussi snob au look très excentrique, très complice de Delia Deetz « la mère de Kevin McCallister dans Maman j’ai raté l’avion » vraie tête à claque, très attachée à ses horribles sculptures qu’elle a créée et belle mère de Lydia.
Lydia, la jeune fille de cette famille recomposée, est morbide à tendance suicidaire. Quand on voit le comportement de sa belle mère et de son père, on comprend pourquoi elle apprécie tant les morts. D’ailleurs elle sera la seule à pouvoir voir les Maitland parce qu’elle est étrange et surnaturel alors que les êtres humains ne comprennent rien à l’étrange et au surnaturel. Plutôt bien trouvé. On voit que les parents de la jeune fille ne respectent pas les morts alors qu’elle, en est fascinée.
Beetlejuice, interprété par un Michael Keaton complètement imprégné par son personnage, nous livre une prestation impressionnante. Le talent de comique, Keaton l’a en allant jusqu’au bout de l’exploitation de son personnage. Teint blafard et pourri, cheveux blond en bataille, toujours des insectes dans les poches à grignoter « d’ailleurs Beetle juice veut dire jus de cafard, et il adore ça justement », Beetlejuice est un gros dégoutant, une vraie pile électrique. Menteur, manipulateur, grossier, pervers, sans scrupule, arnaqueur, moqueur, il veut faire peur mais n’ira jamais jusqu’à tuer. Le personnage est tout bonnement irrésistible, charismatique, original et apporte de nombreux moments de drôleries dans notre film.
Le thème de la mort abordé de manière originale
Notre film saura se montrer aussi sérieux en nous montrant une vision difficile de la mort. La mort est montrée comme misérable, inévitable, qu’on ne peut empêcher ni réparer. De plus, dans Beetlejuice, elle implique des règles. Quand vous êtes mort, afin d’être un bon fantôme, il faut avoir un apprentissage grâce au manuel pour personnes décédées. Du coup il faut faire preuve d’encore plus de patience que lorsque l’on était humain. Et ce ne sera pas cette séquence dans la salle d’attente où vous pouvez être la 900 000 ème personne à passer qui nous dira le contraire. Néanmoins même si cette vision sera un peu difficile à voir, le loufoque, la musique envoutante et l’originalité du visuel omniprésent permettront de ne pas sombrer dans la déprime. Bizarrement, le film est tout public. Je déconseillé néanmoins les enfants de moins de 10 ans de le regarder. Il est assez impressionnant. Malgré tout, est à voir au moins cette scène culte où l'on voit la famille Deetz et ses convives possédés en plein diner et se mettre à chanter et danser sous la musique Banana Boat song de Harry Belafonte . Tout bonnement jubilatoire et totalement maitrisé.
« Regardez le chapitre sur la meilleure façon de hanter une maison.
Virez ces gens ! C'est chez vous, ici. C'est pas tous les jours qu‘on
trouve une maison hantée ».
Pour conclure
Malgré son thème, la mort, Beetlejuice ne sera en rien un film qui déprimera mais se verra plutôt optimiste. Un film qui fait à la fois peur, à la fois rire et même rêver. On rit de la mort tout en ayant un minimum de respect. '''Des tonnes de bonnes idées, une ambiance d’outre tombe parfaitement maitrisée, un humour noir qui fait toujours mouche, des personnages attachants, un Beetlejuice charismatique et déjanté, des musiques superbement travaillées et en totale osmose avec l’esthétisme et l’histoire du film, des effets spéciaux et décors kitsch mais donnant tout le charme au long métrage, une mise en scène incroyable, une imagination débordante, détaillé au millimètre près, des séquences un peu répugnantes et impressionnantes mais comiques, un univers délirant et coloré avec des personnages au look très burlesque et gothique, élégant tout en étant morbide''', Tim Burton fait de ce film un vrai classique, une de ses meilleures œuvres. On passe un très agréable moment en compagnie de ses personnages déjantés et presque sortis d’un cartoon. Fans ou non du réalisateur et de ses œuvres, Beetlejuice est un chef d’œuvre original où l’imaginaire ne semble avoir aucune limite.