L’incantation (ou plutôt les rentes) ont fonctionné, voici un énième retour annoncé du roi du toussaint festivus, celui que ses adeptes clament comme un génie renouvelé depuis l’écrasant aplatissage de son ’’Dumbo’’ aussi inventif qu’un spectacle du parc Spirou. 


Le véritable objectif est de célébrer la sensibilité déformée de Burton en faisant revivre le clown-démon de l'au-delà, Beetlejuice (Michael Keaton), et les trois générations de famille de la creuse - Lydia Deetz (Winona Ryder) empruntant une perruque à Penn, sa belle-mère artiste Delia (Catherine O'Hara), et son ex-fille Astrid (Jenna Ortega) – qui évoque sa présence anarchique au milieu de la farce alambiquée du film en prononçant son nom trois fois. (Le double titre anticipe simplement la prochaine suite pour Halloween 2025.) Burton en est venu à confondre la fantaisie idiosyncrasique avec des ironies culturelles extrêmement erronées depuis qu’il a barqué Hollywood, chose qui finit par submerger le talent de metteur en scène.


Les relations de Lydia avec l’au-déla (sa parodie de l'émission télévisée Ghost House), les projets artistiques outrés de Delia et les exploits paranormaux insensés d'Astrid permettent à Burton d'accumuler ses sketches foutraques obsessifs, mais l'incohérence narrative et les effets spéciaux carnavalesques des films de monstres passent d'amusants (vers des sables qui simultanément dévorent le décor et Villneuve et les influenceurs aspirés dans leurs téléphones portables) à ennuyeux (répétant un bon nombre des mêmes créatures macabres de l’original).


Burton a justifié la confiance d'Hollywood dans son excentricité : l'étonnamment tendre Ed Wood, le brillant Mars Attacks , peut-être la moitié de son Sweeney Todd et, le meilleur de tout, le superbe travail de production sur monsieur Jack ! Ce dernier est le seul film de Burton qui combine son cynisme et son antisentimentalité de gothique âgé avec une audace défiant la mort – très proche d'un chef-d'œuvre. Mais la récente carrière de Burton a été désastreuse, ses remakes impies d'Alice au pays des merveilles et de Dumbo, l'œuvre d'un enfant prodige hollywoodien devenu vaurien.


Le désespoir frénétique de Beetlejuice Beetlejuice n’annonce pas un retour de carrière ; c’est trop évidemment l’exploitation effrontée des prédispositions les plus mercantiles du marché. Burton ne trouve plus d'humanisme dans l’Halloween. Le retour de la cascade burlesque de Michael Keaton n’est rien d’autre que la continuation de son excès de zèle, évitant assidûment toute blague qui pourrait être considérée comme problématique, alors que le personnage de Beetlejuice est assez dégelasse dans son inspiration originale, sorte de clown hérité du Faust de Murneau, carrément peste sexuelle. Si Keaton déchaîné ne peut pas offenser l’élite de manière fiable, alors ce gothique hollywoodien n’est pas suffisant pour n’être plus que du mauvais slapstick.


En injectant sa mauvaise foi et ses mauvaises relations dans des situations comiques déprimantes et modérées, bien plus fastidieuses que ses festivités sans fin, Tim Burton se confronte en fait à une contradiction de la vie. Pas ses relations brisées, il va sans dire, bien que la trame de cette suite, convenablement grotesque dans son sens du drame inapproprié, ne passe pas sans sourciller.


Comme c'est le cas de tant de stars, même « privées », qui accordent une grande importance à leur « intégrité », l'amant démoniaque de Burton est son public, désormais enflé bien au-delà de sa capacité à comprendre, et encore moins à contrôler. D’où l’ampleur de ces clichés gothiques. Attention, il pourrait envisager de changer d’avis et faire une suite à ’’L’étrange Noël de monsieur Jack’’ s’il ne se casse pas avec son fric jusqu’à la fin de la saison festive.

DYNASTIA
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le 26 sept. 2024

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