J'aime bien cette trilogie de l'amour. J'aime bien les films de Linklater en général, car même s'il se plante, ça reste un bel exercice de style (comme "A scanner darkly"). Ce troisième opus, est certainement le plus superficiel. Non pas qu'il m'intéresse moins, bine au contraire, pour moi il est du même niveau, mais tout simplement qu'on se rapproche de plus en plus du combat ordinaire de l'amour. En fait, Linklater travaille sur le désenchantement de l'amour. Ca ne s'est pas fait d'une traite. Le premier film est très enchanté : deux personnes qui se croisent au hasard de Viennes et ont le coup de foudre. le second film reste encore ancré dans un certain enchantement (ils se retrouvent 10 ans plus tard à Paris) mais sur un ton plus terre-à-terre (Jesse s'est marié entre-temps). "Before midnight", c'est la vie routinière du couple. Et en l'occurence ici on assiste à une dispute. Les enjeux ne sont donc pas vraiment très élevés du fait de ce désenchantement, mais ça reste passionnant.
Le travail d'écriture est toujours de qualité. J'en viens même à me demander comment se déroulent les sessions d'écriture : est-ce que Linklater leur dit comment ça commence et comment ça termine et les deux acteurs se débrouillent pour bidouiller un truc que le réalisateur supervisera, ou bien est-ce qu'ils écrivent à trois en même temps, est-ce que la méthode a changé depuis le premier film ou que sais-je...? En tous cas c'est efficace. Les dialogues sonnent réels, j'arrivais facilement à m'identifier tant à ces moments de chamaillerie que ceux de complicité.
Peut-être pourra-t-on reprocher le côté décousu de certaines scènes. Il y a toujours des liens tout au long du film, mais par exemple, ce deuxième segment dans la voiture, qui dure 10 minutes en un plan séquence colle un peu moins en apparence avec le reste, même si le sujet du film est déjà là. Il est vrai que dans le précédent volet, le trio avait opté pour une histoire en temps réel : deux heures de la vie de ce couple qui tente de se créer. Ici nous sommes plus dans une temporalité proche du premier film, une journée entière avec nos tourtereaux.
En tous cas c'est un plaisir de retrouver les personnages qui ont évolué, mais sont restés les mêmes. Il est amusant de voir aussi à quel point ils sont restés arrogants. J'ignore si c'est fait exprès, en tous cas ça crée une dimension réaliste, ce ne sont pas des êtres parfaits.
La mise en scène est idéale. Comme toujours Linklater sait se montrer discret dans le registre de la comédie sentimentale tout en s'amusant tout de même avec sa caméra. Ainsi, son plan séquence en voiture devait être un sacré challenge (reposant bien sûr plus sur les acteurs que le caméraman). C'est ça qui est plaisant avec ce réalisateur : il cherche une esthétique particulière, mais n'en fait pas des tonnes.
Nos deux acteurs fétiches sont toujours bons. Hawke a la voix cassée, peut-être à force de jouer dans des séries B musclées (sa filmographie de ces dernières années contraste avec ses débuts... souvenez-vous de Jack Conroy dans "Croc Blanc", Todd Anderson dans "La société des poètes disparus" ou encore Ben Crandall dans "Explorers") mais n'a rien perdu de son charme ni de son bagot. Julie Delpy vieillit plutôt bien, ses grosses fesses la révèlent épanouie et joue toujours avec naturel la française un peu prétentieuse (en plus elle accepte de montrer ses seins, ça faisait longtemps que je ne les avais plus vus). L'alchimie est elle aussi au rendez-vous.
Bref, "Before Midnight" est une comédie romantique comme j'aimerais en voir plus souvent ; c'est-à-dire une histoire où on ne nous prend pas pour des cons, où on nous montre que l'amour, ce n'est pas une histoire d'électricité, mais plutôt un vrai travail de couple. Evidemment c'est moins romantique, mais ça donne lieu, finalement à des scènes originales dans ce registre. Enfin, je me souviens qu'à la sortie du film, Linklater a déclaré déjà avoir plein d 'idées pour un 4 et un 5. A vrai dire, s'il pouvait réaliser une suite tous les 8ans, je ne serais pas mécontents, c'est un projet intéressant qui se rapproche de "Boyhood", un projet qu'il tourne depuis presque 13 ans déjà.