En délaissant le temps court et nettement circonscrit – une journée, une heure – qui faisait la puissance des précédents films, en multipliant les coupes et l’alternance de lieux, Before Midnight renvoie la désagréable impression de fabriquer ses instants qu’il aimerait nous vendre comme spontanés, mais qui demeurent trop écrits : les ruptures de ton s’avèrent tout à la fois mal amenées et prévisibles, si bien que nous ne croyons que peu au délitement d’un couple dont l’exploit est d’avoir tenu aussi longtemps ensemble, hors caméra. Les trois scénaristes, à savoir Linklater, Delpy et Hawke, diabolisent le personnage de Céline et la changent en énergumène au féministe enragé et complètement déconnecté des réalités ; aucune nuance ne l’extrait d’une névrose que ne partage jamais Jesse, modèle d’humour et de sensibilité qu’incarne un Ethan Hawke tout aussi magnifique, qui trouve dans l’âge un apaisement, une force tranquille en dépit des préoccupations qui l’animent.
Trois séquences justifient néanmoins le visionnage de ce long métrage, trois conversations qui se distinguent des autres par leur justesse : la discussion inaugurale dans la voiture entre les parents, l’anecdote bouleversante de la grand-mère qui prenait l’habitude de se représenter de la façon la plus fidèle qui soit les traits du visage de son mari parti avant que le soleil ne se lève et, par la même occasion, fasse disparaître l’esquisse intérieure, les retrouvailles ultimes au bord de la mer. Trois très beaux moments qui jalonnent un film mineur et parfois pénible qui a cependant l’audace de s’attaquer à la cécité d’une mère qui, terrifiée par les rôles qu’elle doit jouer, se débat entre la démystification d’un « monde pourri » et la nostalgie d’un paradis perdu, comprenons d’une insouciance et d’une simplicité qui caractérisaient l’amour naissant. D’où la visite d’une chapelle byzantine sur les murs de laquelle sont représentés des aveugles, ou plutôt des personnages aveuglés par le conflit entre cultures – comme nos deux parents.
« La Grèce, terre de mythes et de tragédies », entend-on à tout bout de champ. Dommage que Linklater manque à ce point de subtilité dans la reconversion de Céline en héroïne tragique.