Le problème que j'ai avec la grande majorité des comédies romantiques, c'est qu'elles expédient le lien qui se crée entre les deux protagonistes, Hollywood s'appuyant beaucoup trop souvent sur le physique de ses acteurs pour justifier l'attraction mutuelle des personnages. Très rares sont les films qui m'ont satisfait par leur construction des rapports.
J'ai bien fait de voir Before sunrise.
Là, on sent le lien se créer, les hésitations et maladresses du début, le confort progressif l'un avec l'autre, et les astuces de Jesse pour faire avancer la relation face à une Céline un peu plus sur la réserve.
Notez que les protagonistes sont déjà attirés l'un à l'autre avant même de connaître leur prénom respectif ; ce n'est qu'un détail auquel ils ne songent pas immédiatement, car ce n'est pas ça qui fait l'identité de chacun, c'est leur personnalité.
Le script repose complètement sur les dialogues, captivants et fluides, qui font que les personnages se découvrent (et on s’attache à eux dans un même temps) ; ils proposent des points de vue intéressants sur divers sujets (mais souvent, forcément, sur le couple et les rapports hommes/femmes), mais même quand ils racontent des histoires personnelles, on peut y trouver de quoi se reconnaître.
Les interprètes, Julie Delpy et Ethan Hawke, sont fantastiques, on les sent dans le moment, au plus proches de leurs personnages. Je me suis demandé s’il y avait de l’improvisation ou s’ils livraient juste une excellente incarnation d’un texte préparé ; il s’avère que tout était répété et millimétré à l’avance… et en un sens, le résultat semble plus réel que s’il avait été improvisé, parce que les acteurs n’auraient pas pu garder toujours en tête ce que sont censés ressentir ou penser leurs personnages à tel ou tel moment.
Parce que dans Before sunrise, on voit que chaque petit détail dans le comportement des personnages est porteur de sens, et est parfaitement capté par la caméra et intercalé dans le montage : les déplacements et les arrêts, les gestes, les rapprochements, les petits sourires et les directions du regard, … tout a une signification par rapport à la relation entre les personnages et ce dont ils parlent à tel moment précis.
Et en un sens, tout ça fait plus vrai.
Il y a même un moment où on sent, par l’interprétation de Delpy, qu’elle pense l’inverse de ce qu’elle dit (ce qui nous est confirmé plus tard).
C’est ce genre de subtilité qui fait qu’une performance devrait être récompensée ; j’ai été un peu déçu de voir que Before sunrise ne soit pas allé aux Oscars, et qu’aucun des deux acteurs n’ait remporté de prix ailleurs. Ce n’est pas peu dire, mais ils portent bien plus le film que son réalisateur, d’autant plus quand on sait qu’ils ont apporté leurs retouches au script.
Il faut croire que je suis irrémédiablement celui qui voit le verre à moitié vide, car la beauté du film m’a fait faire un autre triste constat : c’est quand la dernière fois que j’ai eu une conversation aussi profonde que celle entre les deux protagonistes de Before sunrise ?
Trop longtemps, en tout cas.
En même temps, les sujets abordés sont ceux dont on parle quand on cherche à découvrir quelqu’un qu’on connaît à peine mais à qui on s’intéresse ; pas le genre de discussion qu’on a avec des gens qu’on côtoie déjà régulièrement.
Il y a en plus de ça, évidemment, les conditions de la rencontre dans le film qui la rendent éphémère et donc particulièrement précieuse.
Je n’ai pas encore vu les deux suites (et vu les notes, je ne m’inquiète pas trop), mais je regrette quand même déjà un peu leur existence, parce qu’elles retirent à Before sunrise la beauté du doute suscité par son final : Jesse et Céline se revoient-ils, ou non ?
Comme le dit Linklater lui-même, l’interprétation de chacun est significatif de leur vision du romantisme ; une interrogation qui elle-même aurait pu nourrir un des débats des personnages.