Pour ceux qui sont partis.
Pour ceux qui sont restés .
Et pour tous ceux qui ont été perdus.
Kenneth Branagh dédie le film à tous les Irlandais pour le meilleur comme pour le pire et c'est le pire qui reste figé dans les mémoires.
La guerre civile qu'a connue l'Irlande du nord pendant des décennies, a non seulement laissé derrière elle ses morts et ses blessés dans leur chair mais également des blessures morales. Il n'est pire guerre qu'une guerre civile car elle est fratricide et une guerre contre une partie de soi-même.
Buddy/ Jude Hill a 9 ans et vit dans les quartiers nord de Belfast. Une enfance heureuse, insouciante entre Papy, Mamy, une mère aimante et un père souvent en déplacement pour un travail de l'autre côté de la mer d 'Irlande en Grande Bretagne.
Kenneth Branagh a su rassembler dans son film ce qui fait le quotidien de la plupart des petits garçons du monde et ce qui avait fait le malheur de l'Irlande du Nord. Buddy a une magnifique épée en bois et un bouclier métallique prélevé sur une poubelle de la rue. Les batailles sont homériques et les sourires radieux.
Buddy a une amoureuse dont il se rapproche progressivement au fur et à mesure de l'amélioration de ses notes en mathématiques. Les conseils avisés de Papy/Ciaran Hinds pour augmenter ses chances à l'aide d'un subterfuge inavouable font merveille mais dépassent ses espérances. Les petits garçons et les petites filles de la classe sont assis à des pupitres en deux files indiennes non géminées en fonction des résultats scolaires. Ainsi le dernier rang pourra-t-il mieux visualiser le chemin qui lui reste à parcourir pour arriver au premier. Les conseils avisés de Papy, qui devaient conduire Buddy a occuper un pupitre à la même hauteur que Catherine/Olive Tennant, le conduisent à la dépasser et à la devancer désormais.
Alors que jusque là, c'est Catherine qui devait se retourner pour qu'un sourire puisse être échangé, c'est désormais Buddy qui doit tourner la tête. Le doute qui le hante de savoir si la belle n'aurait pas une préférence pour un autre que lui est toujours là. Heureusement que Papy est là pour lui apprendre comment prendre le taureau par les cornes, comme lui-même l'a fait autrefois avec Mamy. Un petit bouquet de fleurs sauvages, un doux sourire aux lèvres et l'honnête proposition de faire ensemble un exposé sur l'alunissage du module lunaire de la mission Apollo 11 et l'affaire est dans le sac.
Nous sommes en Irlande du Nord, dans un quartier ouvrier de la ville, construit de maisons mitoyennes en briques vieillies par l'âge et les rejets atmosphériques de l'industrie. Nous pourrions être dans une courée de Roubaix ou une cité minière du Pas-de-Calais ; les enfants jouent dans la rue, sous la protection et la surveillance de tous ; les mères « font cayelles » sur le pas de la porte pour simplement parler ou éplucher les légumes du repas.
Dans cette rue, Belfastois de confession catholique et Belfastois de confession protestante anglicane cohabitent, se côtoient et se connaissent tous. La famille de Buddy est de la seconde communauté, jusqu'au jour où les tensions s'exacerbent ou des activistes « loyalistes » se mettent en tête d'épurer le quartier et de le débarrasser des catholiques. «Unionistes» protestants favorables au maintien du rattachement de l'Ulster au Royaume-Uni et hostiles aux irlandais catholiques indépendantistes et réclamant à la réunification de l'île ? Unionisme ? ou loyalisme pour promouvoir simplement l'Ulster et pour qui le fait que le père de la famille travaille en Grande-Bretagne est une traîtrise ? Quête identitaire exacerbée par la rue et mêlant sentiments d'impuissance et pauvreté ?
La question de quitter l'Ulster et le choix de l'exil en Angleterre se posent et deviennent un déchirement pour toute la famille. Partir attriste profondément Buddy qui ne verra plus Catherine alors qu'ils avaient, ensemble, eu la meilleure note pour leur exposé en classe. L'affaire n'était peut-être pas encore dans le sac, mais elle était en bonne voie.
Catherine et Buddy se reverront- ils un jour ? Buddy, à hauteur d'enfant, s'en inquiète, non pas parce que Londres est loin et que le temps pourrait faire son œuvre, mais parce que soudain il réalise qu'il est protestant et qu'elle est catholique, ce qui était jusque là le cadet de ses soucis.