50 ans de carrière, et toujours là. Les raisons qui expliquent la longétivité exceptionnelle du cinéaste Claude Chabrol sont multiples. D'abord parce qu'il est un formidable directeur d'acteurs. Il n'y a qu'à voir ce Bellamy pour s'en convaincre, où l'on assiste à la seconde jeunesse de Gérard Depardieu, retrouvé après des années d'errance où l'on avait le sentiment que le cinéma, au final, ce n'était plus vraiment son problème. Il n'est pas le seul à être brillant, Clovis Cornillac et Marie Bunel lui empruntent le pas, l'un en looser soiffard et grandement jaloux de son demi-frère, l'autre en femme à la fois belle et trouble, qui n'avait jamais autant paru désirable que sous l'oeil de Chabrol.
Chabrol, continuons d'en parler, qui signe là un film étrange qui se soucie peu de l'enquête qui est menée alors que l'on suit bien les investigations du commissaire Bellamy sur une sombre affaire d'escroquerie aux assurances et de meurtre. Ce qui intéresse Chabrol, ce n'est pas d'attraper le coupable, on le connait dès les premières minutes. Ce qu'il veut, c'est montrer les répercussions de cette affaire sur la vie si bien rangée de Bellamy, sur ses relations idylliques avec sa femme, sur son rapport conflictuel avec son frère. Et qu'importe si le spectateur aurait souhaité une véritable enquête loin des clivages abordés par Maigret, seule compte la psychologie de ses personnages dans ce faux polar magnétique de bout en bout.
On reconnait la griffe du cinéaste, particulière, élégante, soyeuse, où tout coule de source de plan à plan, de séquence à séquence, grâce à l'utilisation intelligente et harmonieuse des fondus au noir et fondus enchaînés. Un film qui se place aisément dans l'Oeuvre d'un Maître, commençant et se terminant comme Que la bête meure, sur l'image de la mer et de ses vagues. Et nous, on ne demande qu'à prendre à nouveau le bateau avec lui.