Ne croyez pas ceux qui, sur base d'un simple argument de départ, rapprochent Belle de Summer Wars, ou en feraient une simple suite. Car Belle est très loin de cela, même s'il y a dedans un monde virtuel en forme de réseau social.


D'autres vous diront que Belle revient aux sources de l'inspiration de Mamoru Hosoda. En partie, oui, mais le dernier né de l'artiste est bien plus que cela en même temps.


Non, Belle se présenterait plus, à mon sens, comme une synthèse des univers d'Hosoda, qui marcherait à rebours des attentes du spectateur, qui à l'habitude, avec lui, d'être happé quasi immédiatement par ses oeuvres. Sauf qu'aujourd'hui, Hosoda semble parier sur une oeuvre à mèche lente mélangeant les influences les plus hétéroclites, comme s'il affirmait en quelque sorte tant sa maturité qu'il parierait sur celle de son public.


Et de plus, il déjoue toutes les attentes de son argument de départ, à la fois en se rapprochant de sources des plus mainstream, en lorgnant du côté de La Belle et la Bête et en en réinventant la scène de danse made in Disney, et en empruntant un tour plus sombre, que l'on devinait déjà dans Le Garçon et la Bête ou encore Miraï, Ma Petite Soeur.


Ce qui interpelle en premier, dans Belle, c'est le visuel du film, aussi magnifique que foisonnant d'une myriade de détails et de couleurs, jusque dans l'antre de la bête. De quoi ravir pour longtemps les prunelles les plus sensibles et les esthètes les plus pointilleux. Tandis que l'humanisme sage d'Hosoda s'empare encore une fois de chaque photogramme en livrant un portrait plutôt juste de son monde virtuel qui ressemble étrangement au nôtre : à la fois hanté et souillé par le narcissisme, la frustration et le bashing gratuit, et capable de connecter les âmes soeurs et les souffrances partagées. Les représentations irriguant Belle prendront quant à elle les formes les plus variées, allant de Ghost in the Shell : Innocence à celle, gonflée, du MMORPG pour figurer la rumeur dérisoire du monde réel.


L'émotion, elle, et comme toujours chez Mamoru Hosoda, reste à fleur de peau. Toujours aussi belle (c'est le cas de le dire) et pure dans son expression, culminant dans un double climax qui ne manquera pas de faire naître une petite larme au coin des paupières par son côté tragique et l'empathie suscitée.


En guise de respiration, Mamoru Hosoda donne naissance à quelques moments minimalistes assez hilarants, à l'image d'une séquence de drague en plan fixe, alors que Belle se dessine finalement, pour son héroïne, à la fois comme une catharsis et une révélation de sa nature profonde. Il suffira même d'une chanson, d'un concert à dos de baleine, pour redéfinir le rapport de Suzu au monde qui l'entoure, en abandonnant peu à peu son identité virtuelle pour mieux se révéler et faire la paix avec ses traumatismes d'enfance.


Belle se montre intensément beau, puissant dans ses émotions et d'une finesse inouïe dans le portrait qu'il livre de son adolescence renfermée qui se fantasme et se cherche à la fois. Pour pousser le cinéma d'Hosoda, sans doute, encore plus loin dans sa générosité et le coeur qu'il déploie à chacun de ses efforts.


Behind_the_Mask, les bleus au coeur.

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