Belle de jour pas si belle, sans ombrelle, assez belle dans l’ombre pour se faire péter la rondelle.

Le film souffre un peu de la censure de l’époque (qui pourtant a « décoincé son cul » peu de temps après. Mais il est aussi en cela l’un des derniers films manifestes d’une époque où l’érotisme dans les films ne pouvaient être que suggéré) : il ne faut pas montrer de seins, de culs, …alors la caméra cadre juste au–dessus de la raie des fesses, ou au-dessus de la poitrine. Dommage de louper de « belles anatomies de jour », comme de nuit. Mais qu’importe, ce n’est pas le propos du film, qui a une grande force.

L’histoire d’une femme sadomasochiste, petite bourgeoise « grosse serrée du trou » (comme qui dirait Jacques Higelin) ayant du mal à assumer ses désirs, ses fantasmes (ses pulsions jugées bestiales et avilissantes - par la société bourgeoise et respectable dont elle est issue). Dès le début du film a lieu un fantasme masochiste de Deneuve, complètement surréaliste, la séquence paraît étrangement réelle, pleine, cohérente, et a sa place dans la réalité du film. Fantasmes oniriques et fantasmes assouvis, réels. La frontière entre les deux mondes, celui du rêve érotique et celui de la réalité, est « perverse » (Jacques Lourcelles), et difficile à identifier. On ne sait plus où est-ce que l’on se situe vraiment. Deneuve interprète « Belle de Jour » et son interprétation de nunuche un peu chiante est difficile à supporter parfois. On se dit presque qu'elle mérite des claques. Elle et son mari Pierre (Jean Sorel) font « lit à part ». Ils ne se permettent que des petits « pious » avant d’aller se coucher, à défaut pour « Belle de jour » d’assouvir ses fantasmes. Son personnage est une fausse psychorigide, une fausse coincée qui a envie de baiser, qui a envie d’assouvir ses fantasmes masochistes et qui ne peut réellement les avouer à son mari. Et puis elle s’ennuie ferme. Pucelle à 23 ans, elle se rend dans une « maison close », un bordel, lieu où des femmes « normales » font des passes, un lieu dont elle a entendu parler par une amie. Idéale cette maison close, pour tous ceux qui n’assument pas leurs désirs, bourgeois gentilshommes, cadres, nantis, riches chinois, gynécologues barrés et jeunes femmes qui s’emmerdent.

Les désirs sont « corsetés » et ficelés, muselés par une société bourgeoise qui tapit ses désirs et ses fantasmes dans l’ombre. Un duc nécrophile demande à Deneuve comment elle s’appelle, celle-ci lui répond « Belle de Jour » ; l’homme ajoute alors « oh c’est charmant, j’avais une chatte qui s’appelait Belle de l’ombre », tout est dit dans ce texte : le sexe est tapi dans l’ombre chez les bourgeois. La « vrai chatte » est symbolique (évidemment), le bourgeois ne peut baiser que dans l’ombre, dans l’ombre des maisons closes, dans l’ombre à l’abri des regards, des jugements de valeurs.

Buñuel va loin dans la mise en scène et son regard est très vif et intelligent : un « client » du bordel met en place une théâtralisation de ses fantasmes. Il devient un majordome qui se fait battre par sa maîtresse (une pute) qui n’est pas satisfaite de son (soi-disant) service. Ceci donne lieu à « une fausse scène de cinéma » dans le film, c’est-à-dire une scène qui n’est pas ce que l’on voit, ce que l’on croit, une séquence théâtralisée, « sur-réalisée », une véritable pièce de théâtre vue par le prisme de la caméra qui n’est pas la réalité filmée au premier abord. Surréalisme absolu qui rappelle d’où vient Buñuel, ce « chien andalou ». Un grand film.
ErrolGardner
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le 24 avr. 2013

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