"Je vais te dire une chose gentille : je t'aime, tu cicatrises si bien !"

Film subversif s'il en est, Buñuel donnant à voir, en 1967, la petite fiancée des français, du haut de ses 23 ans et de sa beauté prude, froide, bourgeoise, se pervertir en des jeux sexuels sadomasochistes, en abandon insolent à la sexualité du plaisir. C'est là la grande réussite de ce film, que de plonger son spectateur, en oscillant avec ambiguïté du réel à l'onirisme, dans une instantanée ambiance poisseuse, débordant d'une violence malsaine. Piccoli l'incarne à la perfection, impérial et ironique comme jamais. Mais Deneuve bluffe en se prêtant au jeu d'abîmer son image résolument sage pour en faire cet objet double, entre érotisme complice et classe que les costumes de St Laurent subliment.
Pourtant, s'il entretient avec malice ce milieu poisseux, cette ambiance lourde, le film se perd dans un scénario convenu, en somme assez classique, radiographie d'un bovarysme qui gangrène la jeunesse aristocrate et catholique, que Buñuel dénonce en d'habiles flash-backs brefs, notamment celui explicite où la petite Séverine refuse l'hostie que le prêtre lui présente. L'intrigue se fait longuette, quelques facilités pointent leur nez (qui n'aurait pas deviné le destin tragique de Pierre, lorsque celui-ci s'arrête de marcher, fasciné par cet "engin" qu'est un fauteuil roulant...)...
Pour autant cela n'altère en rien l'univers pictural qu'a su créer le réalisateur, parsemant son récit de troublantes références et mises en scènes de tableaux célèbres (l'Ophelia de Millais par ici, L'Angélus de Millet par là, celui si cher à son ami Dalí, citant Lautréamont ; "Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie !") et faisant appel à ses amis surréalistes pour décorer l'appartement si chic de Séverine et de son mari Pierre, brisé dans son classicisme par quelques Bracque, quelques Miró...
Ainsi se détache une vraie profondeur stylistique, surréaliste, qu'une scène finale ambiguë, résumé total du film autant dans les thèmes évoqués que les sons entendus et les plans, vient sublimement conclure, faisant un peu oublier, la redondance et lenteur de l'intrigue.

Créée

le 30 mars 2016

Critique lue 432 fois

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Charles Dubois

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