Le cinéma de Manoel De Oliveira ne paye pas de mine, de forme économe et de rythme difficile : il réserve pourtant son lot d'éclats, bien plus pensé qu'il ne le semble à priori. Son Belle Toujours s'ouvre sur la 8eme Symphonie en sol majeur de Dvorak, montrant le triomphe musical avec une imperturbable sobriété ; Manoel De Oliveira filme Bulle Ogier et Michel Piccoli de manière très simple, s'attardant sur une relation a contrario complexe, entamée plusieurs années auparavant. Belle Toujours fait principalement figure de véritable proposition de cinéma, n'ayant finalement que très rarement recours aux artifices consistant à manipuler le spectateur au service de l'épate. C'est un film naturellement modeste et fonctionnellement ludique, prenant l'allure d'une filature savoureuse et même assez généreuse.
Construit autour de seulement quelques scènes dilatées dans leur durée, Belle Toujours trouve son point culminant esthétique lors de la longue séquence du dîner, tournée intégralement sous la lumière d'un candélabre... éclairant ses deux interprètes avec une singulière beauté. Le film enchaîne une succession de passages, de gestes, de regards jetés vers le hors-champ : un hors-champ crucial pour le cinéaste, aussi primordial que le visible de son cadre. Belle Toujours évite avec panache l'austérité pour mieux affirmer son efficacité narrative. Un film méconnu du grand et regretté Manoel De Oliveira qu'il serait bon de réhabiliter.