Freud en sueur !
Il est probable que voir "Beloved" après la claque de "Chained" n’est pas une bonne idée, et qu’intervertir le visionnage des films du diptyque permettrait de plus apprécier "Beloved"… Parce que,...
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le 20 juil. 2020
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Il est probable que voir "Beloved" après la claque de "Chained" n’est pas une bonne idée, et qu’intervertir le visionnage des films du diptyque permettrait de plus apprécier "Beloved"… Parce que, d’abord, et c’est objectivement un problème, "Beloved" est nettement inférieur à son « frère jumeau » : moins intense – si l’on excepte une scène, digne de Pialat, de règlement de comptes entre deux sœurs -, moins implacable - puisque Yaron Shani emprunte un parcours plus sinueux, parfois légèrement ennuyeux, sans pour autant arriver à former dans notre esprit une image aussi claire de son propos sur la société israélienne, "Beloved" est à la fois moins convaincant et moins bouleversant…
Ensuite, et ça, c’est notre problème à nous, parce que le spectateur s’attend sans doute trop à un film « complémentaire » à "Chained", qui lui offre la totalité des éléments du puzzle qui lui manquent… ce que "Beloved" n’est pas, le drame de la dissolution du couple Avigail – Rashi n’étant même pas central ici. Bien sûr, on découvrira largement ce qui se passe pendant les « absences » d’Avigail, et le (ou plutôt une partie du) trajet émotionnel et intellectuel qu’elle effectue et qui mène à sa décision de séparation d’avec son mari. Bien entendu, comme prévu, "Beloved" adopte un point de vue totalement féminin, mais également une « atmosphère » totalement féminine, s’opposant avec la vision du monde, mais également les thématiques (comme la dureté de la vie policière, les intrigues politiques, la protection de la famille) masculines de "Chained".
En s’intéressant à une possible évasion des femmes du rôle que la société israélienne leur impose – mère, femme au foyer ou « pute », mais toujours victime infantilisée et largement exclue des décisions la concernant, pour simplifier – et à un modèle alternatif de société tendre, sensuelle, douce, figurée possiblement lors des scènes de « retraite » dans le Nord, "Beloved" touche juste. En multipliant son centre de gravité, en nous parlant d’autres femmes qu’Avigail, Yaron Shani montre aussi son ambition de sortir du cas particulier et d’accéder à l’universel. Tout cela, on le comprend, on l’admet, voire on l’admire, … mais cela ne veut pas dire que le film nous convainque pour autant !
Car le problème fondamental de "Beloved", outre son manque de force narrative, que l’on veut bien accepter comme un choix de Yaron Shani, c’est cette accumulation de cas de névrose, voire de psychose, que présentent tous les personnages féminins : le film devient une sorte de « digest » (pas très digeste, pour le coup) des théories psychanalytiques classiques, au point qu’on imagine très bien un Freud projeté à notre époque sortant ravi et transpirant de la vision de ces « cas d’école » qui s’enchaînent comme à la parade ici : traumatisée sans doute par les attouchements sexuels de son papa (sujet clairement énoncé à la radio à la fin du film), détruite par la démission de sa mère, morte, disparue ou absente dès sa naissance, la femme, perverse narcissique ou hystérique, a le choix entre l’autodestruction ou la régression, sans que la reconstruction thérapeutique ne soit réellement montrée comme possible, au-delà de la dérisoire affirmation finale qui clôt le film : « Non, tu n’es pas seule ! ».
Shani ose tout : la fille nue qui lave son père sénile en le suppliant de lui revenir, la mère qui accouche dans l’eau (scène d’accouchement réel marquante, ceci dit…) et compare les douleurs de l’enfantement à la jouissance sexuelle, interminables scènes de régression entre femmes… Au point que l’incrédulité, voire l’irritation nous saisit. Car si le constat – et le combat – du film est plus que juste, il y a dans sa mise en scène une volonté de démonstration aussi lourde que naïve.
Terminons par l’éléphant au milieu de la pièce, le floutage… cette fois généralisé, non seulement des parties sexuelles – aucun téton ne saurait y échapper, alors que le film montre des corps féminins nus dans un grand nombre de scènes – mais également des visages, puisqu’on comprend que, hormis l’équipe du film, on ne doit laisser aucun visage reconnaissable à l’image ! On imagine que c’est là le résultat de la censure israélienne, qui n’accepte pas la nudité, mais également le souhait d’éviter tout ennui judiciaire avec quiconque n’apprécierait pas de se voir à l’écran, mais cela rend certaines scènes de foule, comme à la fin lors de l’impressionnant hommage général, quasi irregardables.
Bref, "Beloved" est une indéniable frustration après le miracle cinématographique que constituait "Chained", mais reste un film incontournable, de par l’originalité, l’audace même de la démarche de Yaron Shami dans sa « trilogie de l’amour »… dont on attend (pour septembre ?) la dernière partie, "Stripped" (qui fut d’ailleurs le premier film réalisé, en 2018)…
[Critique écrite en 2020]
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le 20 juil. 2020
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