Une scène.
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Oui, permis de spoiler, car le meurtre de la jeune fille, à laquelle on n’a même pas eu le temps de s’attacher, n’intervient qu’au bout d’une demi-heure. Et là je me suis dit : « hou la, mais comment va-t-il tenir une heure maintenant ? ». Un authentique défi que cette construction originale. En partie relevé seulement car la suite n’est pas toujours passionnante - je pense notamment au voyage en Égypte, un peu long.
Presqu’aussi glaçant que le tortionnaire de Funny Games - joué par le même formidable Arno Frisch -, cet adolescent semble ne plus être en prise avec le réel. Son meurtre ne l’empêche pas de dormir, et il accomplit des tâches de nettoyage juste après, de la façon la plus anodine - comme lorsqu’il a renversé du lait sur la table. Nullement pour cacher son forfait. Ses réactions sont purement imprévisibles, jusqu’à la démarche finale, qu’il conclut d’un simple « excusez-moi ».
Le même schéma sera à l’oeuvre dans le futur Funny Games : montrer une violence effrayante car totalement déshumanisée. Mais ce dernier sera nettement plus impressionnant, et cet opus me fait un peu l’effet d’un brouillon à côté... On pense, bien sûr, dans les deux cas, au nazisme (avec le cochon comme symbole - cf. la BD « Maus » de Spiegelman) : on sait que Haneke voulait interpeller son pays, l’Autriche, sur son attitude vis-à-vis du nazisme pendant la guerre.
Mais c’est surtout le pouvoir de l’image qui est le thème du film : comment l’on croit posséder ce que l’on filme - ou que l’on regarde -, ayant le pouvoir de le voir et le revoir, comme fait Benny au début avec la vidéo de l’abattage du cochon. Ce n’est pas d’avoir filmé cette mise à mort qui pose problème, mais cette appropriation après coup, lorsque Benny utilise le rewind, le ralenti... Ce sentiment de toute puissance, et de confort car on maîtrise ce que l’on voit, génère toutefois une frustration, car l’on sent confusément, on sait intérieurement, que ce n’est pas le réel. C’est là l’unique motivation de Benny : voir « comment ça fait ». Que se passe-t-il lorsqu’on se confronte au réel ? Ce sera aussi le thème de The Square, dans un tout autre style...
Comme dans Funny Games encore, la violence n’est pas montrée, le meurtre a lieu hors champ, Haneke ne nous le restitue que par le son. Procédé toujours puissant car stimulant l’imagination du spectateur. Ce sont, de toutes façons, plus les conséquences du meurtre que le meurtre lui-même qui intéresse Haneke : par exemple, la réaction terrible des parents, le père qui cherche à sauver sa peau et celle de son gamin (mais que ferions-nous à sa place ?), la mère qui cherche à couvrir Benny d’affection, se sentant probablement coupable de ce qu’est devenu son fils. Ce fils qui reste une énigme lorsque le film s’achève.
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le 6 avr. 2018
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