Une scène.
"Benny's video" est un film éprouvant, et pourtant il est constitué à 80% de scènes banales : un ado se sert un verre de lait, en renverse un peu, éponge mal. Un ado prend un petit déjeuner avec sa...
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le 25 nov. 2012
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La manière des films de Michael Haneke est majoritairement décrite par la critique de la façon suivante : froide, misanthrope, sadique, morbide, nihiliste, méprisant ses personnages. De ces adjectifs, on dérive hâtivement la conclusion que Haneke est lui-même un cinéaste froid, misanthrope, sadique, morbide, nihiliste, et qu'il méprise ses personnages.
Cette analyse de Benny's Video entend montrer que lui comme ses films (Funny Games excepté pour des raisons particulières), ne sont absolument rien de tout cela. Qu'il en est même l'exact contraire, et qu'il est même probablement le cinéaste vivant le plus exactement contraire à ces adjectifs.
Sur la page Wikipédia de Michael Haneke, dans la section « Thèmes » on trouve écrit « des descriptions d'enfance ou d'adolescence sadiques ou meurtrières ». Il y a bel et bien un meurtre dans Benny's Video. Est-ce un meurtre sadique ? C'est ce que semble penser l'auteur de cette vidéo d'une chaîne spécialisée en films d'horreurs qui qualifie Benny d'enfant psychopathe. Haneke lui-même dans son entretien avec Serge Toubiana déclare laisser la question de l'intentionnalité du meurtre « ouverte » au jugement du spectateur. A-t-il voulu tuer ou a-t-il été dépassé par son geste ? Mais un auteur est-il en mesure de suspendre tout jugement sur les personnages auxquels il s'intéresse, et dont il dispose et enregistre les actes dans son œuvre ? Je prétends qu'un visionnage attentif de Benny's Video ne peut justement pas déboucher sur une conclusion ouverte et suspendue. Que ni l'auteur, ni le spectateur ne peuvent quitter le film sans porter de jugement. L'hypothèse « enfant psychopathe » est bien pratique. Cet enfant n'a pas d'émotions. C'est un monstre. Il n'est presque pas humain. Il n'a rien à voir avec moi. Il est douteux que ce soit ce que le cinéaste tente de nous faire croire.
Les images
Encore un lieu commun sur ce cinéma. C'est une critique des images. Les images violentes sont ce qui amène la violence. Benny regarde et repasse en boucle une vidéo d'un cochon qu'on abat avec le même pistolet qui servira au meurtre. C'est donc probablement que cette vidéo l'a incité à tuer. Voilà une erreur de logique (post hoc ergo propter hoc) : sous prétexte que la vidéo est placée avant le meurtre dans l'ordre narratif, on en conclut qu'elle en serait la cause. Benny regarde pourtant bien d'autres images, notamment des reportages sur la guerre en ex-Yougoslavie. Ces images de reportage sont d'une nature différente de la vidéo du cochon. Les actes de violence y sont masqués à la vue, par bienséance. La voix du commentaire journalistique fait apparaître à l'esprit la violence et les morts, mais l'image cache leur matérialisation concrète. Les images qui nous parviennent aujourd'hui de Gaza nous offensent bien moins de ce qu'elles montrent la violence, de ce qu'au contraire elles la cachent. Lorsque vous allez aux toilettes dans l'avion et que quelqu'un d'autre attend manifestement son tour devant la porte, et même si cette personne vous avertit verbalement que les toilettes sont occupées, vous ressentez néanmoins le besoin de pousser la poignée par vous-même. C'est comme si l'humain avait pour être assuré de sa puissance, le besoin de ressentir physiquement la réalité du monde qui l'entoure. C'est ce besoin qui est nié à Benny par le cocon de la société d'images déréalisées dans lequel l'enferme sa condition d'enfant bourgeois. Haneke dresse ici le portrait d'une classe sociale élevée, mais ses observations concernent pourtant la majorité des habitants des sociétés occidentales modernes. La vie de Benny est régie par une série d'automatismes qui constituent son être social. Ces automatismes dictés par les règles de son milieu social (que lui rappellera son père plus tard quand il se rase la tête) donnent à Benny l'illusion du contrôle sur son existence. Pourtant les réalités physiques sur lesquelles reposent ce contrôle lui sont, nous sont, inaccessibles. La viande du supermarché est abattue loin de notre perception. Les images que nous recevons de la guerre rassurent notre confort, mais dans le même temps garantissent notre impuissance à en empêcher le déclenchement.
Ainsi, la vidéo du cochon qu'on abat pourrait bien ne pas être le catalyseur du meurtre, mais au contraire son garde-fou (malheureusement insuffisant). C'est pour Benny la vidéo qui se rapproche le plus d'une reprise de contrôle sur sa vie. À travers l'acte de rembobiner et de mettre au ralenti, Benny se rapproche autant qu'il le peut de la réalité physique des actes violents qui sont manifestés à son esprit par le spectacle de l'information. Je peux savoir que les toilettes sont occupées si on me le dit, mais je ne peux pas le croire si je ne mets pas la main à la poignée. Il en va de même pour le pistolet d'abattage.
Le coupable
L'un des arguments, évoqué par les parents, plaidant en défaveur d'un homicide accidentel de la jeune fille, est que Benny tire trois coups. On voit d'ailleurs combien il lui est ardu de recharger l'arme entre chacun d'entre eux, ce qui plaide encore davantage en sa défaveur. Vers la fin du film, quand son père lui demande des explications, il donne cette phrase qu'Haneke dit avoir tirée de très nombreux cas de meurtres accidentels entre jeunes enfants : « Je voulais voir comment c'est » (traduit ainsi par les sous-titres, mais il me semble que l'expression infantile francophone dédiée serait plutôt « Je voulais voir ce que ça fait »). Cette phrase, note le réalisateur, est le signe d'une déconnexion totale avec la réalité. Mais le corollaire de cette observation est que le premier coup de pistolet procède donc d'une tentative de reprendre contact avec cette réalité. C'est pour Benny un geste à visée émancipatrice, au détriment de la jeune fille. Il y a une intertextualité remarquable entre cette scène de meurtre et L'éveil du printemps de Frank Wedekind. Dans cette pièce, les enfants de la bonne société allemande ayant atteint la puberté sans qu'on leur aie jamais rien appris sur la sexualité, leurs expériences pour prendre contact avec leur corps se révèlent tragiques. Ainsi, Wendla Bergmann demande à Melchior de la fouetter avec une baguette, confondant cette excitation avec le plaisir sexuel dont elle ne sait rien. La violence résulte d'une erreur de connaissance technique. Voici la didascalie qui décrit l'action de Melchior :
Il jette la baguette et se met à lui donner des coups de poing qui lui tirent des cris horribles. Sans s'en soucier, il la rosse comme plâtre avec furie, tout en versant de grosses larmes qui lui inondent les joues. Tout à coup, il se précipite, se saisit les tempes à deux mains et s'élance dans la forêt avec des sanglots déchirants venus du fond de l'âme. (L'éveil du printemps. I, V; trad. François Regnault)
Entre le théâtre de Wedekind et le cinéma de Haneke est passé Bresson, qui a retiré tout expressionnisme des émotions. Mais la scène est la même. Il y a une contradiction entre l'intention de Benny et les actions de son corps. Le premier coup est donné comme une tentative de reprendre le contrôle sur son existence, de se désaliéner du spectacle des images auxquelles il est soumis. Les deuxième et troisième coups pourraient invalider cette hypothèse et nous faire pencher du côté de la thèse du Benny monstrueux psychopathe, mais c'est le contraire. En écoutant la scène on entend qu'ils sont donnés dans une volonté de défaire les conséquences inattendues du premier coup (elle crie, elle souffre, cela est désagréable, je dois "réparer" ça). Il se précipite sur le pistolet et le recharge avec la même urgence qu'il irait chercher une trousse de secours si de tels gestes faisaient partie de son quotidien. L'existence humaine étant régie par les automatismes (on sait qu'en situation de crise extrême, le corps humain se réfugie vers ce qu'il sait faire, par exemple les gens qui savaient que le World Trade Center allait s'effondrer ont pris le temps d'éteindre leurs ordinateurs avant d'évacuer les bureaux), Benny est incapable d'imaginer une autre issue que de continuer dans le geste qu'il a déjà commencé, avec l'outil qu'il a déjà en main. (Encore une évocation théâtrale : Macbeth et son "I am in blood stepped in so far"). Une action commencée se mène à terme automatiquement. Choisir une autre voie demande de l'imagination. C'est d'imagination que Benny manque, et non pas d'empathie. Il n'a pas regardé trop d'images, mais pas assez.
Scène d'un déterminisme radical qui désigne le pistolet d'abattage comme coupable du meurtre. C'est sa présence dans le tiroir qui est responsable de l'enchaînement des événements. C'est lui qui agit Benny. Benny est radicalement innocent.
L'innocence radicale
Forgée par le dramaturge Edward Bond (un autre auteur déterministe) dans le Commentaire des Pièces de Guerre (publié en 1985, huit ans avant ce film ; Haneke s'inspirera plus tard des Pièces de Guerre pour tourner Le Temps du loup, ce qui rend très probable qu'il soit familier du concept), l'innocence radicale n'équivaut ni à la pureté ni à la bonté. C'est au contraire la source du mal dans les sociétés humaines.
Bond la définit ainsi :
L'innocence radicale est l'état dans lequel les nourrissons découvrent le monde. [...] L'innocence radicale est la certitude pour la psyché qu'elle a le droit de vivre, et sa certitude qu'elle n'est pas responsable de la souffrance qu'elle rencontre dans le monde. Croire qu'elle l'est, reviendrait à croire qu'elle n'a pas le droit d'exister. (Commentary on the War Plays, Edward Bond, trad. personnelle.)
Face à la certitude de chaque psyché d'être radicalement innocente, s'oppose la nécessité matérielle du monde physique qui impose ses conditions pour la survie. C'est de ce compromis (dont l'innocence sort corrompue) que naissent les règles de la société et les automatismes qui régissent la vie de Benny. Lorsqu'il tire le premier coup de pistolet, Benny est surpris par les conséquences : sa psyché le juge innocent, et elle a raison. Comment pourrait-elle être coupable d'une conséquence qui lui a été dérobée par le régime des images ? C'est en tentant d'améliorer la situation qu'il l'empire. Les cris de la jeune fille sont inconvenants au regard des règles sociales. Une fois morte, après tout, elle ne crie plus. Benny se rend coupable en tentant de préserver son innocence, et son droit à vivre et être accepté dans une société qui garantit sa survie.
L'être social, la pesanteur et la grâce
Ce qui suit est la partie la plus terrifiante du film, qui m'a traumatisé pendant deux ou trois jours après mon visionnage. Benny étant maintenant conscient d'avoir commis un geste irréparable, il doit néanmoins lutter pour préserver son être social. Il pratique des gestes quotidiens et familiers qui lui donnent l'illusion du contrôle. Il faut ici saluer le remarquable régime de direction d'acteurs des films d'Haneke. Dans la lignée à la fois du Stanislavski russe (non pas la version distordue par l'Actors Studio) et de Robert Bresson, il donne à ses acteurs à accomplir une partition d'actions physiques concrètes pour les rendre à un automatisme qui selon Bresson régit les 9/10e de l'existence humaine.
On serait bien inattentifs de déclarer que cette série d'actions quotidiennes et insensibles est une illustration plate du concept mal-compris de "glaciation" : Haneke chercherait uniquement à montrer que Benny n'a plus d'émotions. On reviendrait à l'hypothèse de l'enfant monstrueux. Mais comme le dit Bresson de ses modèles :
L'important n'est pas ce qu'ils me montrent, mais ce qu'ils me cachent, et surtout ce qu'ils ne soupçonnent pas qui est en eux. (Notes sur le cinématographe, Robert Bresson.)
Si cette séquence est si terrifiante, ce n'est pas qu'elle nous montre un enfant insensible (il n'y a que l'acteur qui doive l'être) mais au contraire un être qui lutte de toutes ses forces pour faire valoir (en premier lieu à lui-même) son droit à vivre en société malgré son acte. Comme face à tout bon jeu d'acteur qui au lieu de faire sentir une émotion en l'illustrant, cherche plutôt à exprimer son contraire, nous sommes saisis non pas par l'absence de remords de Benny mais par sa culpabilité débordante qu'il tente de réprimer en jouant le rôle de son être social. (Nous réalisons sans doute aussi que, dans la même situation que lui, nous ferions la même chose.)
La vérité se trouvant dans les contrastes, Benny se met nu. Ce pourrait être une tentative de se défaire de son illusion de contrôle, et de découvrir qui il est vraiment sous sa persona sociale. Mais paradoxalement, il ne paraît jamais autant en contrôle que lorsqu'il parle à son ami au téléphone d'une voix tranquille, nu et les jambes croisées sur le fauteuil de son père. Il se joue à lui-même une comédie dans laquelle il incarne le status haut, dans tous les aspects de son être, du ton de sa voix à la posture de son corps. (Voir Keith Johnstone, autre penseur anglais du théâtre, sur la notion de status, dans Improvisation and the Theatre.)
C'est donc que deux forces contradictoires cohabitent maintenant en Benny. L'une, celle que Simone Weil appellerait la pesanteur, est la nécessité de préserver le contrôle, l'être social et la routine d'actions physiques qui garantissent la survie matérielle. L'autre, qu'elle appellerait la grâce, est la persistance du sentiment d'origine métaphysique que la vérité doit apparaître. L'une n'est jamais autant visible que lorsque c'est l'autre qui domine entièrement.
La responsabilité
Notre système de justice punitif a la bonté de reconnaître une période avant laquelle l'individu n'est pas responsable de ses actes. Il le devient à partir de 13 ans. Chiffre totalement arbitraire, comme toutes les règles sociales résultant de la corruption de l'innocence radicale cherchant à se protéger d'elle-même. Mais alors que la négation de responsabilité de l'enfant pourrait déboucher sur une reconnaissance de la dilution absolue de celle-ci dans la société, il est fait une erreur tout aussi dommageable que si on le jugeait coupable. La responsabilité pleine et entière est déplacée sur les parents.
Les parents de Benny ne sont pas moins radicalement innocents que leur fils. Comme ils le relèvent eux-mêmes, la présence du pistolet dans son tiroir, et le fait qu'il ait été sans surveillance, les responsabilisent pénalement. Par ailleurs il est intéressant qu'ils évoquent l'idée que Benny soit envoyé en clinique psychiatrique comme la pire chose qui pourrait lui arriver. Connaissent-ils les travaux de Foucault sur l'institution psychiatrique comme instance répressive de surveillance et de punition ? Ou sont-ils eux mêmes psychophobes, percevant la folie comme un stigma infamant ? Dans les deux cas, ça ne sent pas bon pour l'idée de justice réhabilitative.
Les parents de Benny visionnant la vidéo du meurtre sont replongés dans l'état du nourrisson qui découvre un monde injuste, et leur psyché ne peut pas se considérer coupable. Ils sont responsables d'avoir instauré autour de Benny le cadre aseptisé et bourgeois qui l'a coupé des conséquences de ses actes. Ce cadre leur a lui-même été imposé par leurs déterminismes sociaux. Et on déroule tous les déterminismes ayant mené à ce meurtre sans auteur, jusqu'à impliquer la société elle-même. Et comme le relève François Bégaudeau dans son podcast sur Caché du même réalisateur, reconnaître que la responsabilité est collective revient à reconnaître qu'elle n'est pas individuelle. Or, les parents savent que le système de justice punitif de leur pays leur fera porter la responsabilité individuelle de cette tragédie collective. Leur innocence radicale se corrompt alors, empirant la situation en cherchant à l'améliorer, dans le même geste que Benny. Et tout comme lui, ils pèchent non par manque d'empathie mais par manque d'imagination, qui en l'occurrence est le manque d'imagination de la société entière. Comment réparer un meurtre sans punir ceux qu'on considère comme les coupables ? La société n'a pas encore imaginé de solution, eux-mêmes en sont donc incapables. Et pour préserver leur innocence, ils la corrompent en couvrant le meurtre.
On ne mentionne jamais la famille de la victime et les recherches qu'ils doivent être en train de mener. Mais leur absence nous les rend d'autant plus manifestes qu'on voit la mère et son fils essayer de les effacer de leur réel par leur fuite en Égypte. Ces images de facture banales captivent car elles sont encore une fois le théâtre de la lutte interne entre la pesanteur et la grâce. Apparaissent de timides confessions de Benny face à sa caméra. Et une scène montre le corps de sa mère craquer en pleurs à l'idée de la violence que le mari est en train de commettre. Mais en miroir des scènes précédentes avec Benny où les forces en lui étaient rendues visibles par leur inverse, on ne voit jamais autant la pesanteur (la violence du calcul de la mère pour préserver son illusion de contrôle) que lorsque c'est la grâce qui triomphe (son corps défaille sous la culpabilité débordante).
Brecht, le théâtre et la justice
Toutes les références théâtrales que j'évoque (et dont je crois qu'elles sont des inspirations conscientes), me mènent à la conclusion que je crois qu'Haneke est un auteur qui tente de faire du théâtre par les moyens du cinéma. À savoir théâtre à la fois dans le mode tragique antique que dans le mode épique brechtien, soit comme lieu de délibération collective et de démocratie. Il revendique donc explicitement le procédé brechtien de distanciation.
Revenons à la scène du meurtre qui comme on s'en souvient et le commente souvent, est montrée à travers un écran lui-même filmé par la caméra du cinéaste. Dans l'entretien avec Toubiana posté plus haut, Haneke découpe la scène du meurtre en son et image, l'un étant distinct de l'autre. Le son manipule les émotions et génère le fantasme ; l'image est la distanciation : elle permet de conserver une faculté de jugement. C'est là qu'intervient l'adjectif « froid » et le discrédit qu'on jette sur le cinéaste. Haneke filme un meurtre froid, ergo son cinéma est froid, ergo il est lui-même froid, ergo pour lui l'humain est froid, ergo il est misanthrope, ergo c'est un salaud sans cœur, etc, etc. Raisonnement implacable, à part que tous les liens de causalité sont faux. Un peu comme on accuse Karl Marx d'être pro-lutte des classes ou les journalistes palestiniens d'être pro-génocide, Haneke est accusé d'être ce qu'il décrit du monde, et le moyen qu'il utilise pour le décrire.
Mais s'il filme le meurtre de Benny de façon froide, c'est justement par amour pour lui. Filmer un acte aussi inqualifiablement douloureux et irréparable, violent, sans but, et permettre au spectateur de sortir de la salle en disant « pauvre Benny » (et c'est de lui à la fin qu'émerge la vérité) n'est-il pas l'acte d'amour intransigeant le plus poignant dont un créateur est capable envers sa créature ? On reproche bien moins souvent aux films Marvel, qui montrent l'humain si faible et médiocre qu'il doive être protégé par des dieux milliardaires surhumains, d'être un cinéma misanthrope. La froideur est nécessaire à l'attention, qui est le prérequis de l'amour inconditionnel.
Benny's Video est une œuvre désespérément chrétienne. C'est aussi un mouvement radical vers l'acceptation du cadre mental nécessaire à l'instauration d'une justice réhabilitative. Cette justice basée sur le pardon, est la promesse que la chrétienté fait au monde depuis deux millénaires, malgré les efforts de l'Église catholique et des institutions punitives qu'elle a engendré pour en empêcher la venue. Le Christ n'a jamais prétendu que le pardon était facile. Il n'est possible qu'à travers un effort surhumain d'imagination. L'œuvre d'Haneke est une contribution essentielle à la réalisation de cet idéal.
Créée
le 27 avr. 2024
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