Un point de départ tout ce qu'il y a de plus intrigant : un sound designer anglais (apparemment réputé) est appelé par un réalisateur italien pour sonoriser son dernier film, gardé secret. Dès son arrivée, il plonge dans un monde froid, vide, menaçant incarné par les longs couloirs beiges du studio d'enregistrement et des gens qui parlent l'italien, langue inconnue du sound designer.

Dès le visionage de la première bobine du film dans le film, le sound designer comprend qu'il se trouve face à un film d'horreur, dans la lignée de ceux de Dario Argento, le talent en moins. Il s'en étonne auprès du producteur mais ce dernier lui lance un regard noir. Il lui demande comment se faire rembourser son billet d'avion, le producteur lui jette un second regard noir. Il demande à discuter avec le réalisateur, le producteur lui dit qu'il est très occupé.

On le comprend bien, l'ambiance est posée dès les 5 premières minutes. C'est pesant, mystérieux, quoique classique, et les allusions aux films de Dario Argento sont légion mais maîtrisées, ce qui augure du mieux.

Et puis, l'heure qui suit détruit progressivement tout ça. C'est bien simple, le film devient un simple making of de la création de la bande son du film dans le film. Et forcément, c'est pas super funky : même pour quelqu'un qui, comme moi, est intéressé par la technique de création sonore, une heure, c'est très long. Le film se transforme en une succession d'inserts : des pastèques explosées à la hachette pour simuler un meurtre bien sanglant, des radis séparés de leur queue pour reproduire un arrachage de cheveux lors d'une scène d'interrogatoire et ainsi de suite… S'en suit, après chaque enregistrement, le mixage sonore sur la table d'enregistrement : on tourne des boutons en gros plan, on augmente le niveau sonore d'une piste et diminue celui d'une autre, on applique un effet de reverb sur l'enregistrement d'un cri de femme préalablement obtenu après beaucoup d'effort, etc.

Les images sont très belles (une Arri Alexa associée à de l'éclairage maîtrisé ne peut donner des images moche), le son est fabuleux (encore heureux !). Mais tout ça est bien vide. Un film composé à 80% d"inserts pendant une heure ne peut bien évidemment pas créer une trame narrative accrocheuse. Et c'est bien dommage puisque l'ambiance est là.

Enfin, 30 minutes avant la fin, l'histoire se lance avec enfin un personnage principal qui se décide à agir et ne pas rester passif comme il l'a été depuis le début… Mais c'est trop tard, la magie s'est dissipée depuis longtemps, tout comme mon intérêt pour le film. Et puis, quand je dis "agir", c'est simplement respecter les codes du genre de l'horreur, en devenant aussi méchant que le méchant du film, en reproduisant ses méthodes discutables et même dangereuses.

Après une séance de "torture" sonore au casque, dont la chute est évidente mais amusante, administrée à une actrice n'arrivant pas à crier de manière convaincante, le sound designer se rend compte de ce qu'il est devenu. Et puis c'est fini.

Ok, super. Un beau gâchis, ce film.
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le 2 févr. 2013

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