À Montréal.
La cinéaste québécoise Sophie Deraspe, acclamée pour son précédent film « Antigone » que nous avions trouvé un peu surévalué même si très intéressant, change radicalement de registre et de contexte avec ce film doux et apaisant tourné en France. En effet, avec « Bergers », elle évoque une démarche classique au cinéma, celle du rat des villes qui retourne dans les champs. Sauf qu’ici, l’originalité vient du fait que ledit rat est un québécois citadin qui quitte vraiment tout pour devenir un véritable berger à l’ancienne au fin fond de la Provence. Et c’est ce qui fait le sel du film, entraînant un choc des cultures corsé, profond et peu commun. Forcément pastoral et très bucolique, le long-métrage évite soigneusement la plupart des clichés dans lesquels il aurait pu tomber sur la France et la ruralité mais pas tous non plus. Et si le film est plaisant, il n’est pas dénué de quelques défauts et fautes de goût.
Le problème majeur de « Bergers » vient sans nul doute de l’écriture de ses personnages et de leur background. Celui de Mathyas, par qui on va entrer dans ce microcosme en voie de disparition et méconnu, manque d’un véritable passé plus fouillé qui explique ce choix radical et peu crédible quand on y réfléchit bien. Mais l’abattage de son acteur et son chemin psychologique durant le film, plus réussi, rattrape le coup. En revanche, même si Solène Rigot est irréprochable dans le rôle, son existence même au sein du récit est encore moins pertinente. Comme si en une seule scène et par coïncidence celle-ci allait décider de suivre Mathyas dans son périple et tout quitter. Même dans une comédie romantique cliché on n’aurait pas osé un tel coup de foudre entraînant de tels choix. Cela freine la cohérence du récit. Ajoutons à cela un rythme parfois monotone et quelques péripéties hasardeuses pour tout spectateur français (les loups, mouais...) ...
Si on fait abstraction de cela, on peut apprécier la zénitude qui se dégage du film. Les sublimes paysages des alpages français sont filmés avec beaucoup de goût. Et l’apprentissage de Mathyas en tant que berger, en passant par plusieurs élevages, désillusions et échecs. est en revanche bien plus pertinent. Les considérations écologiques et sociales dont nous fait part Deraspe au sein du scénario sont également très appréciables et indispensables pour ne pas tomber dans le conte enchanteur, passéiste et quelque peu idyllique. Le film échappe donc à la publicité Herta en mode « c’était mieux avant » pour s’avérer en phase avec son époque et son sujet. Une proposition peu commune, rare même, surtout de la part d’une cinéaste québécoise (on se demande pourquoi le cinéma français ne s’est jamais penché sur le sujet) qui contient autant de qualités que de défauts majeurs pour un résultat en demi-teinte qui demeure tout de même agréable à regarder.
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