Le Minotaure dévoré
Deux documentaires sortent, cet automne, en France, prenant pour objet la figure fascinante du maître suédois. Mais ce documentaire a l’avantage sur son prédécesseur, « À la recherche d’Ingmar...
le 25 oct. 2018
12 j'aime
Deux documentaires sortent, cet automne, en France, prenant pour objet la figure fascinante du maître suédois. Mais ce documentaire a l’avantage sur son prédécesseur, « À la recherche d’Ingmar Bergman » par Margarethe von Trotta, de rester centré sur le personnage d’Ingmar Bergman (14 juillet 1918 - 30 juillet 2007), sans que la réalisatrice se prenne elle-même pour objet, comme le faisait sa consœur allemande. Le film gagne ainsi en cohérence, en intensité et en profondeur.
Construit lui aussi sur un savant tissage d’images d’archives, il n’est accompagné qu’en voix off - et en anglais !... - par la réalisatrice compatriote de Bergman, Jane Magnusson, qui laisse ainsi le maître régner sans partage sur son documentaire. On y retrouve, approfondis, certains des thèmes explorés par Margarethe von Trotta ( la force de travail, l’importance des femmes, l’indifférence relative aux enfants...), mais ceux-ci prennent plus de démesure et la folie tyrannique du monstre sacré y devient davantage palpable. Ses tourments, aussi, comme l’ulcère à l’estomac qui lui interdisait le sommeil et l’asseyait fréquemment à sa table d’écriture lors de nuits douloureuses.
Apparaît également la longue et passionnante interview du frère aîné de Bergman, qui dévoile, dans l’enfance, les capacités d’empathie du futur génie : à preuve, l’intégration, dans son film le plus autobiographique, « Fanny et Alexandre » (1982), de mauvais traitements repris à son compte, alors qu’ils avaient été administrés à son frère Dag, souvent cible de la cruauté paternelle, lorsque Ingmar lui-même tenait le rôle plus confortable de l’enfant choyé et adulé ; déjà...
L’approche conduite par Jane Magnusson projette un éclairage particulier sur l’année 1957, à la fois particulièrement féconde (sortie des films « Le Septième Sceau » et « Les Fraises sauvages », tournage de « Au Seuil de la vie » et « Le Visage »), et particulièrement tourmentée sur le plan personnel. Mais la réalisatrice suédoise, qui ne s’est d’emblée pas limitée à cette année-là, ne se prive pas non plus d’accompagner son illustre aîné jusqu’au terme de son existence, qui s’inscrivit sur son île, Fårö, comme en un rendez-vous depuis longtemps fixé avec l’homme au visage de mort.
En ressort le portrait d’un créateur au physique d’acteur, infiniment riche et fascinant, mais autant dévoré par l’existence qu’il se sera lui-même conduit en ogre vis-à-vis d’elle.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Films où il est question de la paternité, frontalement ou latéralement.
Créée
le 25 oct. 2018
Critique lue 311 fois
12 j'aime
D'autres avis sur Bergman, une année dans une vie
Deux documentaires sortent, cet automne, en France, prenant pour objet la figure fascinante du maître suédois. Mais ce documentaire a l’avantage sur son prédécesseur, « À la recherche d’Ingmar...
le 25 oct. 2018
12 j'aime
Si, comme moi, l’on ne connaît de Bergman que ses films, on ne peut qu’apprendre d’un tel documentaire. La vie de cet homme, de fait, m’était totalement étrangère. En revanche, je suis moins certain...
Par
le 3 août 2024
1 j'aime
J'ai beau avoir vu des millions (ou un peu moins...) de films, je ne me suis toujours pas attaqué à Ingmar Bergman, car je trouve que c'est un cinéaste intimidant, tellement immense en quantité, et...
Par
le 24 oct. 2019
1 j'aime
2
Du même critique
Le rêve inaugural dit tout, présentant le dormeur, Pierre (Swan Arlaud), s'éveillant dans le même espace, mi-étable, mi-chambre, que ses vaches, puis peinant à se frayer un passage entre leurs flancs...
le 17 août 2017
80 j'aime
33
Sarah Suco est folle ! C’est du moins ce que l’on pourrait croire lorsque l’on voit la jeune femme débouler dans la salle, à la fin de la projection de son premier long-métrage, les lumières encore...
le 14 nov. 2019
74 j'aime
21
Marx a du moins gagné sur un point : toutes les foules, qu’elles se considèrent ou non comme marxistes, s’entendent à regarder le travail comme une « aliénation ». Les nazis ont achevé de favoriser...
le 26 août 2019
71 j'aime
3