L'Allemagne sous les décombres...
Un bon film de Jacques Tourneur, sans doute pas l'un de ses meilleurs, contrairement à ce que semble penser la présentation du dvd (éditions Montparnasse), mais cependant très intéressant, notamment en ce qui concerne sa partie quasi documentaire sur l'Allemagne dévastée de l'après-guerre, notamment Francfort-sur-le-Main et Berlin.
L'intrigue paraît assez confuse, surtout au début, mais l'atmosphère, pesante, est bien rendue.
Peu à peu, on comprend l'enjeu du drame : la protection d'un personnage éminent, spécialiste des questions internationales, chargé de superviser une conférence sur l'unification d'une nouvelle Allemagne et la suppression des zones d'occupation. Nous sommes en 1948. L'action se situe juste avant la guerre froide, et les quatre puissances alliées jouent encore, malgré quelques tensions naissantes, la même partition. Le professeur Heinrich Bernhardt, interprété par Paul Lukas, se voit menacer par une mystérieuse organisation qui veut le supprimer. On ne sait pas vraiment si ce groupe se compose de nostalgiques du IIIe Reich ou bien plus prosaïquement de membres de la pègre et d'individus très impliqués dans le marché noir.
Les images de l'Allemagne sous les décombres apparaissent saisissantes et la photographie nocturne est belle.
Paul Lukas domine la distribution et campe de façon crédible un personnage un peu désabusé, mais malgré tout optimiste. Robert Ryan, assez sobre, paraît un peu en retrait. Le reste de la distribution semble terne.
Beaucoup de petites annotations rendent ce film attachant : les scènes dans la gare de Francfort ; les messages de recherches de personnes disparues ou déplacées, affichées dans les rues ; les ventes à la sauvette ; le commerce des cigarettes et des mégots (!) ; les considérations sur le point de vue des troupes d'occupation américaines ; l'ambiance des cabarets, ceux réservés aux militaires et ceux réservés aux Allemands ; la scène finale à Berlin où les protagonistes se séparent symboliquement, annonçant les tensions futures, etc.
En fin de compte, un bon film, loin de l'ambiance oppressante du Troisième Homme (1949), mais bien supérieur à l'Homme de Berlin (1953).