Le sujet concerne la gestion de la ville de Béziers (80 000 habitants en 2022, 2e ville plus peuplée de l’Hérault derrière Montpellier) par Robert Ménard depuis 2014. Dommage que le film soit un peu brouillon [on est loin de la rigueur et de la pédagogie des journalistes de Médiapart dans « Personne n’y comprend rien » (2024) de Yannick Kergoat], en étant mal structuré car le sujet est intéressant et rappelle comment fonctionne une municipalité gérée par l’extrême droite ou le national populisme (suppression des subventions aux associations sociales et culturelles, remise en cause des avantages acquis des salariés de la mairie, etc.). La focalisation sur le journal de la municipalité, « Le journal du Biterrois » était déjà suffisante car très démonstrative, d’autant que son contenu est décrypté brillamment par Alain Korkos : revue à la gloire du maire (parfois colérique et autoritaire), au contenu très agressif (évoquant l’hebdomadaire « Détective », spécialisé dans les faits divers trash), kitsch voire au goût douteux (mise en scène ambigüe de la Femme, photos d’enfants blonds aux yeux bleus, issues de photothèques et non de la région biterroise), n’hésitant pas à la délation (des opposants au maire), ce qui en fait un outil de propagande plus que de communication (même si un journal municipal émane toujours de la majorité en place). Bien sûr, comme beaucoup d’hommes politiques, Robert Ménard ne tient pas toutes ses promesses, y compris l’aménagement du centre-ville, privilégié car vitrine de la ville (mais absence de bancs pour éviter l’installation de personnes indésirables), au détriment des zones périphériques où vivent des habitants plus pauvres et qui n’apprécient pas le maire (la ville comptait, en 2020, selon l’INSEE, 34 % de pauvreté et 23 % de chômage). Ses infractions à la loi sur la laïcité (installation d’une crèche dans la mairie pour laquelle il a été condamné en 2017, 2018 et 2022) sont mentionnées, ainsi que l’établissement de statistiques ethniques d’après les prénoms des enfants scolarisés. L’absence de voix off ne permet pas de prendre du recul : certes, Robert Ménard n’est pas un personnage qui déclenche forcément la sympathie (le film s’adresse à des gens de gauche, forcément convaincus) avec son obsession de la sécurité [nombreuses caméras de surveillance, armement de la police municipale (mort d’un homme après son arrestation musclée en avril 2020 pour non-respect du couvre-feu)], du christianisme (crèche, messe avant la féria), de la famille, son rejet des étrangers, surtout s’ils ne sont pas chrétiens (cf. expulsion de 40 familles syriennes, fausses informations sur l’afflux de réfugiés musulmans, illustrées par des photos de migrants… macédoniens, foire au cochon débutant le 1er jour du Ramadan, récupération de l’assassinat de Samuel Paty par un islamiste tchéchène), son regret de l’Algérie française [hommages à Hélie de Saint Marc (1922-2013), condamné pour avoir pris part au putsch des généraux en avril 1961 à Alger, à Jean Bastien-Thiéry (1927-1963), condamné à mort et exécuté pour avoir participé à l’attentat du Petit-Clamart le 22 août 1962 contre le général de Gaulle], son ultralibéralisme (proche du président américain Donald Trump). Malheureusement, son élection et réélection en 2020 (29,9 % des voix au 1er tour mais avec 56 % d’abstention) n’est pas expliquée (dispersion des voix de la Gauche et/ou de la Droite modérée ?), sans oublier son revirement politique : Robert Ménard (né à Oran en 1953, rapatrié d’Algérie) a été cofondateur de Reporters Sans Frontières (R.S.F.) en 1985 mais s’est droitisé plus tard (malgré des revirements, il est plus proche de Marion Maréchal-Le Pen que de Marine Le Pen), devenant, entre autres, un farouche adversaire (via le journal municipal) du quotidien Midi Libre, appartenant à la famille Baylet, dont Jean-Michel, qui fut président des Radicaux de Gauche (1996-2016) et ministre dans le gouvernement Valls (2016-2017) sous la présidence de François Hollande. Sa femme est également conseillère municipale et était, jusqu’en 2024, député de l’Hérault, sous l’étiquette Divers Droite mais proche du Rassemblement National (R.N.). Certains Biterrois l’apprécient donc ! Pourquoi ?
N.B. : difficile de savoir quelle version de film vue car il est présenté, sur internet, comme étant en 2 parties, pour une durée totale de 188 mn alors que la version vue et commentée dure 1h50 (version abrégée ? 1ère partie ?).