Le feu qui couve sous la glace
Des bambous qui oscillent dans le vent, un nuage de fleurs volantes, une pluie tropicale qui déferle sur une jeune femme tapie dans les herbes épiant, honteuse mais avide, le corps nu de l'adolescent qui la trouble: c'est à un voyage étrange et sensoriel que nous convie ce premier long métrage de Phan Dang Di dans un Vietnam entre deux mondes, une chronique de famille avec son lot de conflits dans une société balançant encore entre tradition et modernité.
Un époux absent, père alcoolique, fils indifférent, une épouse tendre mais délaissée, une jolie tante, visage pur et regard de biche, travaillée par son célibat, redoutant par-dessus tout le statut infâmant de "vieille fille" toute en désirs cachés qu'elle assouvit en secret, et puis, fermant la boucle, l'aïeul malade et diminué revenu mourir au pays, se tordant de douleur sur le lit, complice de l'enfant qui du haut de ses 6 ans a déjà compris que vie et mort ne font qu'un.
Innocent et intense à la fois c'est le regard de Bi qui rythme le film, petit homme en miniature promenant sa bouille adorable de la maison familiale à l'usine de glaçons qui le fascine, cette glace magique capable d' emprisonner à jamais la feuille d'érable-souvenir de son grand-père.
Des images d'une sensualité crue et délicate à la fois qu'illustre bien cette glace qui désaltère et rafraîchit aussi les corps dans la moiteur des nuits de Hanoï, mais n'éteint pas le feu qui brûle la jeune amoureuse en proie à ses fantasmes dans son plaisir solitaire.
Une oeuvre tout à fait particulière et dépaysante qui m'a tenue sous le charme, rappelant par son atmosphère empreinte de sensualité le très beau Yiyi ou l'inoubliable Odeur de la papaye verte : j'ai beaucoup aimé.