Dans le domaine de l’art, & par extension dans bien d’autres domaines, surprendre renferme bien des acceptions. Que cela soit par les moyens utilisés, la fréquence, la durée, les canaux…plus que l’infinité de combinaisons possibles, c’est bien le "résultat" qui sera juge de paix. Plus que surprendre, sans pour autant se réinventer, Bienvenue à Marwen, semble mais n’est pas. Mieux, il pourrait être mais finalement…


Éternel débat, la question de la vision de la bande-annonce &/ou la lecture du pitch d’un long-métrage s'impose bon an mal an comme un premier filtre de tri. Profusion des sorties, nécessaire agencement du temps, sans parler des réalisateurs/studios/franchises fétiches qui créent ce réflexe quasi-sectaire (oui je lui ai déjà dit "Ouais, ben bloque bien cette date, parce-que là y a [insérer titre de film] qui sort" [Mode Beauf Off])…l’a priori l’emporte parfois sur "l’instinct" & dans un réflexe "de connaisseur", il n’est pas rare de crier au complot face aux recommandations (médias, proche…). Bienvenue à Marwen n’échappa en rien à ce (mauvais) cheminement de pensée. Partagés nous étions à la fin de la bande-annonce. Énervée était-elle par l’apparition (encore et toujours) d’une croix gammée comme générateur de pathos & d’une facilité cinématographique maintes fois éculée. Blasé étais-je par ce Steve Carell très Gumpien. Mais convaincu elle était par le côté divertissant & par la manière de dépeindre le protagoniste.


116 minutes & un générique final qui n’oublie pas de mentionner ce que sont devenus ces personnages "vrais", un sentiment simple ressort. Celui d’avoir été bercé par une histoire simple, autour de personnages simple(t)s & à l’issue…simple. Et pourtant, c’est là qu’intervient la touche Zemeckis !


La touche Zemeckis pourrait se résumer autour du postulat suivant : sublimer des choses simples. Il y a d’abord ce héros amnésique. Cette dernière caractéristique sert "d’alibi" au réalisateur pour étoffer, tout au long du film, l'épaisseur du protagoniste. Ces fêlures, ces absences, son côté marginal & atypique. Énumérer reviendrait ainsi à réduire. Zemeckis parvient pourtant à ne pas rendre sympathique Steve Carell mais à lui conférer une stature digne d’intérêt pour le spectateur. Il y a ensuite cette manière d’apporter cette touche de féerie à un passe-temps presque régressif & enfantin. Une fois passée le pacte avec le spectateur (& qui consiste à alterner prise de vue réelle & point de vue des poupées), l’immersion dans le village de Marwen n’est pas forcée. Elle n’en n’est pas pour autant naturelle ou excusée. Cet exil de l’esprit n’est en rien idéalisé & permet de cerner Steve Carell, son passé & son futur. L’autre passe-temps (sorte de clin d’œil à nous français avec l’affaire Georges Tron) est abordé avec tout autant de doigté. On croit comprendre un versant fétichiste dans la collection de ces 287 paires de chaussures, ces détracteurs y voient une orientation sexuelle…mais sans tomber dans l’esbroufe ou la morale, le film nous détourne de préjugés & autres facilités qui nuiraient à la compréhension du personnage. Rien n’est imposé ou justifié. L’explication se déroule sous nos yeux. & finalement quoi de plus simple (& donc de plus compliqué) que de filmer des sentiments. A ce titre, Robert Zemeckis pose littéralement sa caméra sur les épaules de chacun de ces personnages. Point d’œil voyeur ici où on se gausserait de l’évolution &/ou décrépitude d’un (des) personnage(s). Bien sûr, il y a ce côté presque curatif pour Steve Carell. Au sens propre comme au figuré, le protagoniste doit avancer. Mais on assiste plutôt à son interprétation de sentiments (simples) tels que l’amour, l’amitié, la vie en société, le dépassement de soi, la douleur, l’acception du caractère sinusoïdale de la vie. C’est plutôt simple voire réducteur. Néanmoins, la touche Zemeckis se charge de nous embarquer dans un dédale. L’issue est certes connue mais qu’est-ce-que le voyage en vaut la peine.


Comme le suggère la bande-annonce, il y a dans ce Bienvenue à Marwen ce petit goût de revenez-y ! : protagoniste "grand enfant", distorsion de la réalité. Oui la sororité avec Retour Vers Le Futur, Forrest Gump, Seul Au Monde semblent bien présente (sans compter le clin d’œil bien appuyé à l’une de ses œuvres fétiches). Cependant, Robert Zemeckis a su encore une fois magnifier des choses a priori simples. Simples comme la procrastination voire le déni précédant une étape pourtant décisive. Simples comme la recherche de la fuite dans l’imaginaire comme meilleure échappatoire. Simples comme ce désir de transférer un manque (de confiance, d’audace à décider) dans le contrôle (quasi fantasmé & tyrannique) d’une utopie. Il ne s’agit pas de plaindre, condamner ou apprivoiser une accointance malsaine avec Steve Carell. Idem pour ses anges gardiens ! Plutôt d’assister au processus nécessaire d’avancer. Car si Steve Carell peut à loisir stopper l’histoire de son village, il ne peut être (indéfiniment) le figurant &/ou la victime de sa propre vie.

RaZom
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le 8 janv. 2019

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